Dans cet article je souhaite aborder les sujets de nouvelles technologies et de leur impact sur l’environnement au travers du “Projet Silica” mené depuis quelques années par Microsoft.
Nous sommes à un pivot de notre Histoire contemporaine concernant notre rapport à la planète. Cependant, nous sommes aussi de plus en plus nombreux sur Terre à pouvoir se permettre d’utiliser des outils numériques tels que des ordinateurs, des tablettes et, surtout, des smartphones.
Ces outils, outre leur impact environnemental induit dans leur fabrication-même, sont générateurs de données numériques. Mis bout à bout, on parle ici de milliers de milliards de données produits et stockées chaque jour.
Les chiffres sont tellement gigantesques qu’ils sont même parfois difficiles à concevoir. Cependant, s’il ne fallait retenir qu’une chose de cette image c’est le fait que l’humanité a accumulé 10 fois plus de données numériques entre 2013 et 2020 qu’entre le développement des premiers ordinateurs au milieu du XXè siècle et 2013… c’est proprement ahurissant !
Qui plus est, la multiplication des objets connectés dans les années à venir (en attendant celle des ordinateurs quantiques) va nécessairement augmenter de manière exponentielle cette production quotidienne de données.
Or, dans un souci d’accessibilité immédiate et continue pour tous les internautes dans le monde, les données transitant sur cette immense toile qu’est Internet ne le font pas par magie.
==> Elles doivent bien être stockées et gérées à travers des plateformes dédiées. On parle ici des fameux “Data Centers” dont la taille et le nombre n’a cessé d’évoluer notamment depuis la bulle internet du début des années 2000.
Pour donner un exemple concret, on peut citer l’immense centre de données de Facebook à Prineville dans l’Oregon :
S’étalant actuellement sur plus de 160 000 mètres carrés, le site connait actuellement des extensions. Cela devrait porter son dimensionnement à environ 300 000 mètres carrés, soit l’équivalent de 41 terrains de football ! Le tout, pour rappel, afin de traiter une partie des data d’une seule entreprise.
OOOOOOOOr (oui on y arrive enfin), ces immenses centres de données sont de véritables gouffres en termes de consommation énergétique !
Dans les faits, un data center chauffe énormément, et requiert donc des installations dédiées dont la température est régulée en continue via un système de climatisation ultra performants.
==> Pour continuer sur l’exemple de Facebook, l’entreprise a connu un grave problème avec ses data centers en 2006. Comme le raconte James Glanz dans cet article du New-York Times datant de 2012 :
Les machines de Jeff Rothschild, chef de l’ingénierie de Facebook, avaient un problème qu’il devait résoudre immédiatement : elles étaient sur le point de fondre. […] L’électricité arrivant dans les ordinateurs faisait surchauffer les prises Ethernet et d’autres composants cruciaux. […] Réfléchissant vite, M. Rothschild a emmené quelques employés en expédition pour acheter tous les ventilateurs qu’ils ont pu trouver pour empêcher le site Web de tomber en panne.
Power, Pollution and the Internet, de JAMES GLANZ
Et du coup le problème semble évident : les besoins en climatisation entrainent de gigantesques besoins en électricité. Électricité dont la production reste encore aujourd’hui majoritairement polluante.
Le cercle vicieux d’un besoin croissant de stockage de données entrainant plus de constructions de data centers lesquels entrainent plus de consommation d’électricité issue d’une production se faisant au détriment de l’environnement représente donc un défi de taille pour notre civilisation ultra connectée.
J’entends dans le fond qu’une solution évidente serait de faire fonctionner les data centers via de l’énergie renouvelable. C’est une bonne idée évidemment compte tenu de l’état de la planète. C’est d’ailleurs une opération de plus en plus courante.
Cependant, cela ne corrige qu’une partie du problème. En effet, il faut penser à deux éléments :
L’énergie électrique est difficilement stockable même aujourd’hui. Sa production répond donc à des besoins à répondre presque immédiatement. En cela, réduire la consommation des data centers permettrait d’alimenter d’autres besoins. Cela engendrerait des économies d’énergies car n’oublions pas que l’énergie la plus verte c’est celle qu’on ne produit pas.
Qu’en est-il de “l’énergie grise” induite par la production de nouveaux data centers et par celle de nouvelles centrales (mêmes “vertes”) pour les alimenter chaque jour ? La courbe est a minima linéaire et compte tenu du besoin croissant en centre de données, cela va engendrer des émissions de gaz à effet de serre indirects eux mêmes en augmentation constante.
Pour mieux comprendre cette notion d’énergie grise je n’ai, à l’heure actuelle, pas trouvé plus didactique que cette courte vidéo :
Mais alors Jamy, si la croissance de la production des datas, à l’instar de nos économies, ne fait qu’augmenter au détriment de l’environnement est-ce que ça veut dire que seule la décroissance serait en mesure de nous sauver ?
Et si la technologie, sous ses airs de 5ème cavalier de l’Apocalypse, s’avérait être aussi notre possible porte de sortie vers un monde connecté ET durable ?
En bref, Microsoft et Warner Bros ont présenté en novembre dernier un morceau de verre en vidéo … voilà …
Pour aller un peu plus loin, ils sont parvenus à stocker le premier film Superman de 1978 sur du quartz de quelques centimètres carrés à peine !
Concrètement, la technique, laquelle en est encore à ses balbutiements, permettrait de stocker quasi indéfiniment des données numériques, le tout pour un coût (en termes d’espace et financiers) de stockage ridicule en comparaison des pratiques actuelles.
Pour les plus friands de technique, voici la vidéo de présentation officielle dévoilée en novembre. Elle revient sur le procédé utilisé par Microsoft pour stocker de la data dans un “simple” morceau de verre :
L’opportunité business est évidente pour Warner Bros dans le cadre de son défi perpétuel d’archivage de son contenu audio et vidéo depuis sa création. Imaginez devoir sauvegarder ad vitam æternam des milliers d’heures de films, de séries et d’émissions de radios depuis 1923.
A l’heure actuelle, le studio hollywoodien fonctionne de la manière suivante :
Il conserve 3 copies de chaque élément à sauvegarder. 2 copies sont numériques et conservées sur un disque dur ou une clé usb ou encore sur le Cloud. 1 dernière copie est physique. C’est, en règle générale, la version originale de l’élément à conserver.
Or (oui il revient), “la copie physique originale a une durée de vie limitée qui nécessite une migration vers de nouveaux formats“, explique Warner Bros.
Mais alors, quid des films récents tournés directement avec une caméra numérique vous me direz ? Dans ce type de cas, Warner crée un troisième exemplaire en analogique via des négatifs (lesquelles sont ensuite entreposées dans une unité de stockage frigorifique avec contrôle strict de l’atmosphère.
Ce type de procédé s’avère en réalité fastidieux et extrêmement coûteux. Le pire, c’est qu’elle n’empêchent pas la détérioration progressive des matériaux au fil du temps. Surtout, le risque d’une panne au niveau des unités frigorifiques ne peut être ignoré. Cela aurait des conséquences terribles pour le patrimoine humain que la Warner entend sauvegarder.
Pour ce qui concerne les copies numériques, le risque est équivalent sur les supports physiques comme les disques durs et les clés usb étant donnée leur durée de vie n’excédant pas une ou deux décennies malgré les précautions. Pour ce qui est du cloud, Warner entend ici sous-traiter le problème. Elle refile donc le problème à d’autres compagnies lesquelles doivent s’assurer que les data centers soient en mesure de gérer la data stockée. Et on revient de nouveau au problème de l’environnement mentionnée plus haut.
Parmi les avantages indéniables du quartz face aux solutions actuelles de stockage de données numériques on peut citer son incroyable solidité ainsi que sa longévité.
En effet, vous pouvez tremper du quartz dans l’eau bouillante, le cuire dans un four ou même le passer au micro-ondes (chacun ses passes-temps je ne juge pas) il ne bronchera pas.
En outre, comme je l’indiquais précédement, cette matière, composé de silice (d’où le nom du projet) est en mesure de conserver ses propriétés pendant des siècles et des siècles.
Il s’agit donc d’une plateforme de stockage immanquablement intéressante pour Warner Bros… pour peu qu’ils fassent bien attention à ne pas casser le morceau de verre en les faisant tomber…
Tous les avantages du quartz mentionnés plus haut ne doivent pas éluder ce qui serait probablement l’une des plus grandes avancées techniques sur le marché des data centers : le quartz n’a pas besoin de système de climatisation ou d’aération fonctionnant en continu comme à l’heure actuelle !
Rajoutez à cela, une taille extrêmement réduite des plateformes de stockage en comparaison des solutions actuelles et il devient possible de gérer un nombre de data équivalent sur un espace plus faible, réduisant mécaniquement les coûts de construction et donc l’énergie grise nécessaire.
Voilà donc la solution a priori idéale pour sauvegarder l’environnement tout en maintenant la croissance de la production de données numériques.
Ainsi, tous les avantages d’un stockage de data grâce au projet Silica semblent se conjuguer parfaitement pour révolutionner dans les années à venir le marché des data centers. Cependant, certaines ombres au tableau demeurent encore pour le moment:
“Nous n’héritons pas la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants”
Antoine de Saint-Exupéry (citation supposée)
Cette citation, qu’importe son véritable auteur m’est chère. Cependant, elle ne saurait se faire au détriment du bon sens.
En cela, je m’oppose aux nouveaux malthusianistes arguant que la Terre est trop petite pour gérer une population aussi importante. La collapsologie n’est pas neuve, elle vient par cycle avec son lot d’idioties et d’idées pré-conçues lesquelles ne reposent que sur l’existant sans prendre en considération les avancées techniques et leurs conséquences.
Dans les faits, la civilisation humaine est capable du pire, nul besoin d’exemplifier ce point. Cependant, elle est aussi capable du meilleur, notamment quand il faut trouver une solution face à un problème complexe.
J’en veux pour preuve l’exemple de Fritz Haber. Un scientifique dont on peut reprocher un nombre incalculables d’horreurs de par ses expériences, mais qui, en parallèle a permis à l’humanité d’éviter une des plus graves famines de notre Histoire, alors que le monde n’était peuplé, à l’époque, que d’1,5 milliards d’âmes. En cela, l’exemple d’Haber permet de souligner à quel point la technologie est neutre. C’est son utilisation qui importe.
Plus proche de nous, l’exemple de Microsoft et de son projet Silica me rassure donc dans le fait de penser que la technologie, utilisée à des fins positives pourrait permettre à notre civilisation actuelle de prospérer encore longtemps plutôt que de survivre bêtement au sein d’un apocalypse environnemental qu’elle aura elle-même créé.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Je suis toujours content quand mes articles introduisent un débat constructif alors surtout, n’hésitez pas à donner votre avis !