Si je vous parle aujourd’hui d’armement et d’innovation, je parie que vos premières réponses porteront sur l’arme nucléaire. Rien de bien surprenant quand on voit les médias traiter sans cesse des tensions entre les Etats-Unis et la Corée du Nord.
Si je vous parle d’armement et d’innovation, vous allez aussi penser à la fameuse phrase « la plupart des innovations civiles viennent d’innovations militaires ».
Et enfin, si je vous parle d’armement et d’innovation, vous viennent à l’esprit les gadgets que l’on peut voir dans nos films préférés produits par LucasFilm ou Marvel par exemple.
Notre vision de l’innovation dans la défense et l’armée peut donc être biaisée par les tensions actuelles et l’imagination débordante des auteurs/scénaristes de notre époque.
Qu’en est-il vraiment de ces innovations ? Sommes-nous réellement éloignés des capacités de Spiderman à escalader les parois ou Antman à contrôler les fourmis ?
Toiledefond vous propose une immersion au sein des nouvelles technologies militaires.
Cet article sera décomposé en 2 parties : la première s’attachera à expliquer ce qui crée l’innovation dans la défense et présentera les innovations militaires actuelles. La seconde partie s’intéressera aux nanotechnologies dans le cadre de l’armement.
L’innovation dans le secteur de la Défense et de l’armement découle du besoin du consommateur. En général, l’armée va faire le constat d’un problème opérationnel ou d’un risque à court/moyen terme et va chercher à y répondre. Les recherches militaires se portent donc davantage sur la réponse aux attentes de l’armée que sur la création de nouveaux besoins.
L’évolution des technologies contre les engins explosifs improvisés (EEI) illustre bien cela : détecteur par rayons X, par rayonnements neutroniques, par ondes infrarouges, par ondes THz, par ondes millimétriques, par micro-ondes ou encore par radiofréquences. Ces solutions répondent au besoin des militaires pour détecter les explosifs sur le terrain. Il palie aussi au risque de sécurité civile (aéroport, stades, lieux de grand passage …). Je vous conseille cette excellente étude financée par le ministère de la Défense traitant des EEI.
En se basant sur les priorités engendrées par les stratégies et les constats du passé, les entreprises vont répondre à la demande en proposant des produits à la fois innovants et réalisables industriellement. Nous pensons notamment aux domaines de la réalité virtuelle, de l’intelligence artificielle ou des drones.
Cependant, certains projets promettent des merveilles mais déçoivent lors de l’industrialisation. Les caractéristiques ne sont pas à la hauteur des espérances ou les coûts sont trop importants. Ce fut le cas des lunettes de réalité virtuelle qui n’ont pas répondu à la totalité des attentes de l’armée. Le gouvernement américain s’intéressait fortement aux plateformes de proche espace développées par Lockheed Martin. Ces dernières prenaient la forme de « zeppelin » et auraient pu améliorer la surveillance et les renseignements. Ils abandonnèrent l’idée pour des raisons budgétaires (notez que l’idée de ces plateformes a été reprise par la Chine).
Quand on parle d’innovation dans le domaine militaire, les détracteurs sont légions, notamment sur le sujet nucléaire.
Mais d’un point de vue économique, ces innovations engendrent de nombreux emplois. Elles permettent aussi à la France de garder un poids diplomatique fort dans la scène mondiale. Ainsi, la France est un pays fleuron de la production militaire. Ces derniers mois, nous avons pu voir de nombreux contrats remportés par des entreprises tricolores. Nous pensons notamment à Dassault qui a conquis les territoires arabes : 24 rafales commandés en Egypte, 12 au Qatar, 36 chasseurs en Inde. Il y a également des rumeurs sur la possibilité que Le Caire achète de nouveaux Rafales et des corvettes Gowind. Ces contrats sont évidemment dus à de bonnes relations diplomatiques et à la qualité présente dans les produits français. Les 8 grands groupes industriels dans l’armement -Dassault, Thalès, Nexter, Safran, Renault Trucks Defense, MBDA, Airbus et DCNS- ont déjà montré leur expertise.
En plus de ces mastodontes, le domaine de l’armement comprend 3 à 4000 petites entreprises (dont la majorité sont des sous-traitants). Cet éco-système représente 165 000 emplois pour un chiffre d’affaires annuel environnant les 20 milliards d’euros. Par exemple, DCNS a signé un contrat pour 12 sous-marins Barracuda d’une valeur de 34 milliards d’euros avec l’Australie. Cette commande va permettre la création et la pérennisation d’environ 3000 emplois.
La Direction générale de l’Armement (DGA) investit chaque année 700 millions d’euros pour la recherche et l’innovation. Sur ce montant, 50 millions sont réservés à la promotion des petites entreprises développant des technologies militaires applicables dans le civil. Cette aide se fait via son dispositif RAPID (Régime d’Appui Pour l’Innovation Duale). Cette année, la DGA et la BPIFrance ont annoncé leur volonté de créer un fonds d’investissement d’une dotation initiale de 50 millions d’euros pour les entreprises « jugées stratégiques ».
Il est donc clair que même si l’innovation peut répondre à un besoin ponctuel militaire, la majorité du temps elle va devoir trouver une continuité dans le domaine civile.
Arrêtons ici avec les explications théoriques et passons au concret !
Je vous ai dit notamment que les solutions luttant contre les EEI se développaient fortement. Des chercheurs du laboratoire américain NIST ont récemment imprimé en 3D une truffe de chien.
Jusque-là, Aurélien rien d’impressionnant me direz-vous. Et bien détrompez-vous ! Ce dispositif de détection serait 18 fois plus efficace que les outils actuels dans la recherche de substances explosives et de drogue. Cette truffe est une reproduction en plastique d’un museau d’une femelle labrador retriever. Elle remplace donc le chien et peut être fabriquée en série. Elle pourrait donc résoudre le problème de la demande croissante des services de sécurité pour nos compagnons à 4 pattes. De plus, cela augmenterait l’efficacité des contrôles, améliorant la protection des civils et diminuant les risques pour nos fidèles animaux.
L’Iron Man Suit (en hommage à notre cher Tony Stark – Marvel) est un projet futuriste lancé en 2013 par le laboratoire du MIT et l’US Special Operations Command.
Cet exo-squelette allège le fardeau du poids de l’équipement militaire tout en optimisant la défense du fantassin. En effet, cette armure repose sur une couche médium composée d’un liquide qui refroidit lors d’un impact avec un élément solide. Cette « armure liquide » pourra donc ralentir voire stopper les balles (selon les calibres). Cette armure, énergétiquement autonome, permet aussi de mesurer en temps réel les signes vitaux du militaire. Elle améliore sa force, sa rapidité de déplacement et est équipée d’un casque de réalité augmenté (cf lien Etienne) permettant de traduire l’environnement en informations statistiques. Cette prouesse technologique a nécessité le développement de la réalité augmentée, utilisée dans le domaine civil.
En France, la start-up Wandercraft s’est associée à ECA Dynamics pour développer à moyen terme une gamme de robots. Ces derniers seront bipèdes et quadrupèdes, à destination des domaines de la défense et de la sécurité. Cette association a débloqué des fonds permettant à la start-up de travailler sur ce projet. Cela lui permet aussi d’améliorer son dispositif d’aide à la mobilité des handicapés. Leur exo-squelette médical permettra en effet aux handicapés moteurs de marcher pour un coût de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Evidemment, cela reste bien plus cher qu’un fauteuil roulant classique. Ce dernier se situe, pour un fauteuil standard, aux alentours de 1000-1500€. Ce prix peut doublé voire triplé sur les modèles très sophistiqués.
Nous avons vu que la réalité augmentée, utilisée dans le domaine civile, a été améliorée pour un usage militaire. La réalité virtuelle profite également de ce « boost » qui permet l’émergence de nouvelles technologiques sur un plan militaire comme civil.
Cette année, une base militaire israélienne a notamment reproduit les conditions d’attaque du Hamas dans des tunnels. En utilisant l’Oculus Rift, créé par Facebook, et Vive, développé par HTC et Valve Corporation, les soldats s’entrainent à évoluer en solitaire ou par équipe dans ces territoires exigus. Israël forme aussi ses militaires au démantèlement d’armes à l’aide de la réalité augmentée.
Israël n’est pas la seule à avoir compris l’intérêt des réalités virtuelles : dans le cadre de son recrutement de nouvelles recrues et de réservistes, l’armée britannique met en condition les civils dans des opérations militaires. Via 4 scénarios différents (piloter un tank, grimper une montagne galloise, participer à un exercice de combat ou sauter en parachute), le potentiel candidat peut comprendre ce qui l’attend. Ce dispositif aurait motivé 66% recrues de plus qu’une campagne classique selon les chiffres donnés par l’armée.
L’armée de l’air australienne s’intéresse à l’acquisition de casques de réalité augmentée pour avoir une visualisation 3D et interactive de l’environnement de combat de leurs pilotes.
Je vous invite à regarder la vidéo de cet article.
L’intérêt de l’armée pour les réalités numériques entraine une vraie dynamique pour les entreprises fournisseurs. Ces dernières pourront ainsi améliorer leurs technologies et offrir aux civils des produits toujours plus innovants.
Vous avez sûrement déjà vus Antman, le célèbre super-héros qui peut changer sa taille et contrôler les fourmis. « Contrôler les insectes » haha, quelle bonne blague.
Ququoi.. C’est déjà le cas ?!
Et oui, le Dr. Hirotaka Sato et son équipe basés à la Nanyang Technological University –Singapour- ont transformé des scarabées (coléoptères pour les plus scientifiques) vivants en cyborgs. Ils peuvent contrôler leurs fonctions motrices : ils envoient des impulsions électriques via des câbles insérés dans le corps des insectes. Ils peuvent ainsi leur dicter leur cadence de marche ou la direction à prendre. L’animal n’a donc plus la liberté de mouvement mais reste vivant, il doit être nourri pour continuer à « fonctionner ». Cette pratique indolore est particulièrement utile pour la défense et la sécurité des civils. Ils veulent poser des capteurs thermiques sur leur dos détectant les personnes vivantes. Cela faciliterait la détection de personnes piégées sous des décombres. Evidemment, ce procédé pourrait être détourné pour des missions d’espionnage ou de diffusion de virus sur le long terme.
Et si je vous dis qu’à présent on peut grimper aux murs comme Spiderman. Et si vous pouviez créer la cape d’Harry Potter avec de nouveaux aux propriétés invisibles. Imaginez des balles intelligentes pouvant traquer leurs cibles. Les Uruk-Hai humains, des hommes augmentés existent-ils parmi nous ? Les nano-technologies n’en sont qu’à leur débuts et semblent déjà être l’innovation majeure dans la défense et l’armement pour la prochaine décennie. Sera-t-elle apte à assouvir tous nos fantasmes de science-fiction ? C’est ce que nous allons voir dans la partie II de cet article.
Merci à Rémy Hérault pour l’image à la une de l’article.