Quand Justin Bieber a annoncé le 6 janvier 2015 à ses quelques 63 millions de followers (population française : 66 millions) sur Twitter qu’il serait la nouvelle égérie de Calvin Klein, les retombées médiatiques ont été immenses. Sur Instagram, le jeune chanteur publie au compte-goutte les photos des campagnes publicitaires, accompagnées du hashtag #mycalvins, qui suscitent nombre de moqueries à propos de ses pectoraux photoshoppés et autres commentaires haineux. Les médias, particulièrement ceux dédiés au webmarketing, se demandent alors si Calvin Klein n’a pas choisi le pire modèle pour donner une image de marque positive et moderne auprès du grand public. Entre la préservation de l’image de marque et la maximisation du buzz médiatique, Instagram se révèle être un véritable défi pour les webmarketeurs !
Même négative, l’attention reste de l’attention, et dans les 48 heures suivant le début de la campagne sur les réseaux sociaux, le hashtag #mycalvins fut mentionné 1,6 millions de fois sur Twitter. 1,6 millions, c’est aussi le nombre de followers que Calvin Klein possède désormais sur Instagram, très loin des quelques 300 000 qui suivaient la marque avant Justin Bieber. En tout, Calvin Klein a gagné plus de 3,6 millions de followers sur l’ensemble de ses réseaux sociaux. Autre pratique courante, la marque a envoyé en cadeau ses nouveaux sous-vêtements à plusieurs mannequins, blogueurs ou It girls (Emily Ratajkowski ou Chiara Ferragni, blogueuse d’influence notable) et provoqué un petit phénomène sur Instagram puisque celles-ci ont posté des photos d’elles portant ces sous-vêtements, avec la légende #mycalvins. Le pari d’assurer sa visibilité auprès du grand public et de se faire une place sur les réseaux sociaux, manœuvre aujourd’hui indispensable pour tout grand groupe, est donc gagné.
Mais qu’en est-il des ventes ? Ont-elles augmenté, ou est-ce que seule la visibilité du groupe s’est trouvée améliorée suite à ces opérations marketing ? Selon le WWD (Women’s Wear Daily – quotidien de mode féminin), la moyenne des ventes au détail de Calvin Klein a augmenté de 25% par rapport à l’année dernière. De même, les collaborations entre Adidas et les rappeurs Pharrell Williams puis Kanye West, menées pour donner une image hype et jeune à la marque, se sont conclues par des queues interminables de clients devant les magasins à la sortie des nouvelles baskets, et une augmentation de 29% des ventes d’Adidas Originals. Lors d’une récente conférence, le CEO d’Adidas Herbert Hainer n’a pas hésité à attribuer cet engouement à ses deux nouvelles égéries, dont l’influence n’est plus à prouver, surtout auprès des jeunes.
Néanmoins, il faut veiller à ne pas tout faire pour se montrer visible et à ne pas causer de ras-le-bol général à l’encontre d’un produit. Par exemple, la basket Stan Smith, devenue véritable objet de convoitise et que l’on peut voir partout dans les rues, sur les réseaux sociaux et portée par les stars, est aussi devenue un sujet de moquerie sous le nom de Stansmithophobie, un compte Instagram qui raille les (trop?) nombreux consommateurs de la célèbre basket blanche.
Utiliser les célébrités pour populariser un produit via les réseaux sociaux est donc rentable, mais peut aussi devenir défavorable à une marque. C’est là tout l’enjeu du « celebrity marketing » : selon Laurent Guyot, fondateur d’une célèbre agence de relations presse, cela consiste à « associer intelligemment deux images : d’une part celle d’une marque et d’autre part celle des personnalités. Le celebrity marketing comprend aussi la recherche d’égéries, parrains ou marraines pour tous types de projets en complément des événements privés (ouvertures de boutiques, lancements de produits, etc.).” Il s’agit donc de trouver une célébrité qui correspond à l’image et au style de la marque (par exemple, ne pas utiliser Céline Dion pour une publicité d’automobile et perdre beaucoup d’argent), mais aussi à laquelle le public ciblé pourra s’identifier.
Ainsi, la marque de cosmétiques Estée Lauder a souhaité rajeunir sa clientèle et son image jusqu’alors un peu vieillotte, et a signé un contrat avec la mannequin Kendall Jenner (la demi-soeur de Kim Kardashian). La jeune femme de 19 ans, au pouvoir d’influence ahurissant, ressemble à la copine sympathique que chaque fille aimerait avoir et surtout qui représente tout ce qu’elle aimerait être, en témoigne le nombre de commentaires type « j’aimerais tant lui ressembler » qui pullulent sur son compte Instagram (28 millions d’abonnés). Selon Estée Lauder, le site de la marque a reçu six fois le nombre de visiteurs uniques qu’ils ont en moyenne le jour de l’annonce de la nouvelle égérie, et leur compte Instagram a gagné depuis plus de 265 000 nouveaux abonnés.
Aujourd’hui, ces véritables « social media influencers » ne sont plus seulement des chanteurs ou des acteurs célèbres mais parfois des gens ordinaires qui, par leur style, leur personnalité ou leur activité, se sont fait connaître sur les réseaux sociaux (“Instafamous”). Ainsi, la nouvelle gourou du fitness Soniatlevfitness suivie par 1,5 million de personnes sur Instagram, principalement des filles, publie sur son compte, en échange d’une large compensation financière, des photos d’elle utilisant certains produits que lui envoient gratuitement des marques, servant à la fois ses intérêts et ceux des entreprises.
Autre phénomène : la publicité sur Instagram, initiée pour la première fois le 1er novembre 2013 par Michael Kors. La publicité a beau ne pas faire l’unanimité, le résultat est brillant : 128 000 “like” en 18h, une augmentation de 370 % par rapport au taux d’engagement moyen, reach de 4,5 millions (estimation de l’audience globale atteinte), et plus de 33 000 nouveaux abonnés au compte suite au post, soit un impact 16 fois supérieur à la moyenne pour la marque. Le groupe racheté en 2012 par Facebook a récemment annoncé vouloir introduire la possibilité de télécharger des applications, de s’inscrire à une newsletter ou d’acheter directement sur Instagram.
En effet, suivant la tendance des réseaux sociaux comme Pinterest ou Youtube, le groupe permettra à tous types d’annonceur, « du magasin de vêtements local aux plus grandes marques mondiales», d’insérer ses publicités parmi les photos des autres utilisateurs en ciblant ceux-ci en fonction de données démographiques comme le genre ou l’âge. L’utilisateur pourra ensuite se rediriger vers un site de ecommerce via une fonction « buy », testée pour l’instant en Espagne. Cette nouvelle manière d’acheter toujours plus personnalisée et facilitée pour le consommateur pourrait bien accélérer les changements qui ont déjà eu lieu depuis qu’il est possible de « faire ses courses sur Internet », puisque l’utilisateur pourra alors cliquer sur un bouton sur son portable et se porter acquéreur d’un nouveau produit, où qu’il soit et à n’importe quel moment pour peu qu’il ait du réseau.
Aujourd’hui, le nouveau défi qui semble s’imposer aux entreprises, sur Instagram, est de s’adapter aux nouvelles manières de consommer induites par le réseau social, en veillant à maintenir une bonne image de marque et être au plus proche du consommateur et de ses attentes. Pour le moment, les marques de mode, cosmétique ou joaillerie, essentiellement centrées sur le paraître, sont quasiment les seules à avoir compris cet enjeu et à utiliser à leur avantage les célébrités elles aussi maîtresses de leur apparence. Les compagnies dans d’autres secteurs d’activités parviendront-elles à tirer profit de ces opérations webmarketing ? Avec 300 millions d’utilisateurs actifs et une croissance du nombre d’utilisateurs de 36% en 2015 sur Instagram, elles ont toutes intérêt à inclure la maîtrise des réseaux sociaux dans leur transformation digitale. Selon le Journal du Net, en tout cas, il ne s’agit plus d’impliquer sur les réseaux sociaux les célébrités mais aussi ses employés, arguant du fait que ce sont leurs témoignages qui ont le plus de poids auprès des consommateurs.
Enzo
19 juin 2016 at 0 h 37 min
Très bon article, ce qui peut être pas mal, c’est de faire du contenu original avec des hashtags populaires… et coupler ça avec l’achat de followers pour avoir un peu de notoriété est très efficace ! C’est ce qu’on fait pour nos comptes avec http://www.ezylikes.com
Sonia B.
23 juin 2015 at 22 h 15 min
Insta est définitivement un challenge pour les marques. Cest un canal de com très axé sur le visuel comparé aux autres réseaux sociaux, et c’est vrai que des assets comme Pharrell Williams ou Justin Bieber font vite grimper les engagements.
Néanmoins quand on compare différents posts avec le même asset, on peut voir des écarts de performance très nets, et c’est dans cette direction qu’il faut aller pour analyser comment ce réseau fonctionne. Tellement de paramètres définissent la performance: heure du post, visuel, hashtags, fréquence de posts, qui like, qui commente (influencer ou pas?)…
Ce réseau est d’autant plus difficile à appréhender car aucun targeting n’est aujourd’hui possible. Et en ce sens la personnalisation est un challenge.
De là à lier insta performance et sales, c’est encore un autre problème. Je pense que ça a définitivement un poids de plus en plus important, mais je crois plus en le multi touch attribution model pour vraiment comprendre le “consumer journey” en amont (mais il faudrait combl’er ça a l’offline marketing impact aussi…). Ce qui est intéressant ici est de se demander: que signifie un like? Dénombrer le nombre d’engagements n’est plus suffisant, il faut interpréter ces données, et c’est là que se trouve le challenge!
Super sujet en tout cas !
Par contre je crois que les community sizes que vous présentez ici sont légèrement anciennes (Nike a au moins 17M de followers…). Il faudrait au moins dater ce tableau et indiquer la source car ça ne représente pas le présent!
César Lagarde
19 juin 2015 at 13 h 49 min
Super article.
La dynamique est bien plus général je pense. La vraie question n’est plus le like, le reach ou les ventes mais plutôt la e-reputation de votre marque. Les réseaux sociaux sont plus un média de découverte que d’achat pour l’instant. Vous devez y être, mais comment ? Ca personne peut le dire vraiment.
Zero best practice pour le moment, et ca c’est super cool. Hâte de voir ce que ça donne par la suite.
Juste pour info, Instagram côté business: 100 % d’impression sur vos followers, et les solutions d’achats plubicitaires sont très chers. Fin 2015, vous pourrez avoir accès à l’achat publicitaire en libre accès en France.
Wait&see !