« A phone Worth keeping », le téléphone du développement durable
Peut-être que le mot « Phonebloks » ne vous dit absolument rien, et pourtant, depuis plusieurs mois déjà, ce projet a suscité l’enthousiasme des internautes.
“Phonebloks is a vision for a phone worth keeping. We want a modular phone that can reduce waste, is built on an open platform and made for the entire world. We are keen on finding the right partners and people to build this phone. We set up an online platform where you can share your thoughts, ideas and feedback. We believe that together we can make the best phone in the world.“
Crée par Dave Hakkens, c’est un concept révolutionnaire, basé sur une idée très simple : réduire le volume de déchets électroniques que nous produisons, notamment via la surconsommation de produits téléphoniques.
L’idée est de créer un téléphone sous forme de “bloks”. Ces “bloks”, à l’instar des briques Lego, permettent de créer un téléphone correspondant à nos besoins mais également de pouvoir changer uniquement les pièces endommagées ou obsolètes. C’est une façon de créer un système original pour réduire nos déchets et protéger la nature ainsi que les matières premières qui se raréfient progressivement. Les blocs sont connectés à une base, qui bloque tous les modules ensemble et leur donne la forme d’un téléphone solide. Si un bloc se casse, vous pouvez le changez facilement. S’il vous semble obsolète, remplacez-le par un nouveau.
Cette idée est née d’un constat simple. Après avoir cassé sa caméra, Dave Hakkens l’étudia et se rendit compte qu’une seule pièce était endommagée : le moteur de la lentille. Mais lorsqu’il a confié sa caméra au service réparation, on lui a dit d’en racheter une, tout simplement.
“With your bike you repair the tyre, you don’t throw the bike away ,but for some reason this is what we do with electronics.”
Hakkens réalisa que si on pouvait démembrer un appareil, il était possible de changer les pièces, à l’instar d’un vélo, réduisant ainsi au minimum le gâchis.
Il a ensuite lancé le projet sur la plateforme Thunderclap et a littéralement explosé en terme de popularité avec plus de 950 000 followers.
“We want to change the mobile industry and we want everybody that is interested in helping make that change, to have a place to share their ideas and work with others. And we can only truly achieve our goals if we work in the open and together.”
Je crois que je ne vous apprend rien si je vous parle du concept d’obsolescence programmé, qui est caractéristique de notre système de consommation. Un téléphone devient obsolète au bout d’une paire d’années, même s’il n’est pas cassé. Parfois, il ne tient même pas un an, et on en rachète un nouveau plutôt que de remplacer les pièces qui ne fonctionnent plus.
Ce dernier sera divisé en plusieurs activités :
C’est donc l’utilisateur qui crée son téléphone, l’adapte à l’utilisation qu’il en fait, et choisi son prix dans une certaine mesure.
Mieux qu’un long discours, voici la vidéo qui vous explique tout.
Le projet est mené par une équipe qui recrute des volontaires pour construire le premier prototype. Une fois cela fait, et ayant la preuve que le projet est réalisable, il passera sur Kickstarter, un site web basé sur le crowdfunding. Le but pour l’instant est de montrer qu’il est possible de créer un tel téléphone.
“It comes down to a consumer signal, the market needs to indicate to manufacturers that we care about modular, repairable hardware.”
Citation : Kyle Wiens, fondateur d’iFixit.com, un site qui permet aux utilisateurs de réparer eux-mêmes leurs appareils électroniques.
Si les téléphones n’ont jamais été aussi modulables que les PC, ils n’ont jamais été aussi rigides qu’aujourd’hui. Le problème vient du fait que les consommateurs voulaient des téléphone plus fins et plus petits, les composants sont donc compactés et, par exemple, les batteries sont mises au fond des téléphones, empêchant de les changer en cas de besoin, comme sur le HTC One.
En moyenne, une personne garde son téléphone 3 ans, chiffre qui descend à 20 mois aux Etats-Unis. De plus, les téléphones donnent l’impression d’être gratuits puisqu’ils sont fournis à des prix dérisoires si vous souscrivez en même temps à un forfait à prix d’or.
Cette année, 1,8 milliards de téléphones seront vendus et1,5 milliards seront jetés , inutilisables. Les déchets électroniques sont généralement exportés vers les pays en développement où les mélanges de métaux lourds et autres composants, comme le mercure , vont polluer l’environnement et intoxiquer les travailleurs qui récupèrent ces composants pour quelques dollars.
Je vais ici reprendre l’analyse faite par un ingénieur français à ce propos et l’actualiser, vous pouvez trouver la version originale ici.
« Selon Laurent Chebbah, ingénieur et chef de projet infrastructure, le projet est techniquement réalisable en soi. Les avantages se situent dans de nombreux points comme la modularité du matériel, qui permettrait de créer son téléphone suivant ses besoins, ou commencer par une base que l’on enrichira par la suite. Chebbah observe également d’autres avantages au concept, à savoir le coût d’entretien très bas, son caractère écologique, et une continuité du modèle technologique. »
Le projet est risqué
Le téléphone sera cher, beaucoup plus que ceux actuellement disponibles sur le marché (sauf l’iPhone ^^). Cela signifie que c’est un investissement à long terme, à la manière des panneaux solaires ou d’une maison. Le téléphone va ainsi devenir un bien matériel traditionnel, que l’on change généralement en dernier recours à la manière d’une voiture.
Les composants sont difficiles à adapter
«Dans le cas du Phonebloks, les modules s’agrippent tous sur une seule grille. Tout le concept du téléphone repose là-dessus. Mais comment fonctionnerait cette grille ? Le plus difficile dans la conception et la fabrication des appareils électroniques est l’interconnexion des composants. Il faut non-seulement songer à l’alimentation électrique pour le fonctionnement de chaque module, mais aussi à la connexion à un bus de données pour échanger l’information entre les différents composants. Et c’est là que réside toute la difficulté du concept.»
De plus, si l’on réussit à contourner les limitations techniques, il restera le problème économique :
Les compagnies comme Nokia, Samsung ou Apple pourraient tenter de détruire le projet et maintenir leur modèle d’un téléphone ou plus par an, tout comme les grandes marques d’électroménager ont tenté de couler le projet d’aspirateur sans sac Dyson. Les opérateurs téléphoniques pourraient aussi refuser s’allier à un téléphone en contradiction avec le mode de fonctionnement jusqu’ici adopté.
Enfin, un dernier point mais non le moindre, quel système d’exploitation serait préférable pour un tel téléphone? À première vue, Android semble le meilleur choix, mais il ne faut pas perdre de vue que Microsoft perçoit des redevances. Ces redevances peuvent s’élever jusqu’à 27$ pour ZTe, par OS utilisé ! L’alternative viendrait alors à un système d’exploitation basé sur Linux, comme le récent Firefox OS.
Parmi ces obstacles, la réticence des opérateurs peut être contourné en utilisant un modèle proche de celui instauré par Free, les forfaits sans mobiles et sans engagements. Du côté des constructeurs, qui pourraient être réticents, l’accord avec Motorola va peut-être au contraire changer la façon de dépenser des autres constructeurs. La marque Motorola s’est d’ailleurs déjà démarquée sur ce sujet.
En tant que première marque à commercialiser un téléphone cellulaire, Motorola se place comme un acteur majeur de l’innovation en matière de téléphonie mobile. Si la firme n’a pas toujours été au beau fixe, son rachat par Google a sans conteste relancé la machine. De plus, Motorola avait déjà marqué son intérêt pour les smartphones personnalisables avec le Moto X, son petit dernier-né.
C’est donc en toute logique que Dave Hakkens a choisi de travailler aux côtés de Motorola. Il n’y aura aucun rachat, les deux partis travailleront seulement main dans la main. Phonebloks peut ainsi conserver son intégrité et sa liberté de création.
Motorola a officialisé le projet Ara sur son blog, tandis que Phonebloks a mis en ligne une vidéo pour expliquer un peu mieux les tenants et aboutissants de ce partenariat.
Dans une société d’hyperconsommation, ce téléphone touchera un public restreint, la plupart des gens désirant à tout prix le dernier gadget inutile à la mode en magasin. A court terme, l’intérêt d’un tel projet peut paraître peu rentable, mais il possède cependant un très fort intérêt à long terme.
Il y a quelques années, un tel projet aurait paru impossible. Cependant, avec la prise de conscience par la population des changements qui s’opèrent et avec la crise, un tel modèle apparaît comme une opportunité. Sur un marché du mobile qui s’intéresse surtout à la miniaturisation et l’amélioration des composants ou du design, le projet Phonebloks est une véritable ouverture qui pourrait bien chambouler les règles du jeu avec un business model qui lui est propre.
C’est l’émergence d’un marché où le changement de mobile va commencer à s’opérer de plus en plus tard. Ce qui rend viable le projet Phonebloks. Nos habitudes de consommation vont devoir évoluer et un téléphone dont les pièces sont remplaçables, mêmes partiellement aura une longévité beaucoup plus importante. Quelle avenir pour un tel téléphone ? Dave Hakkens a sa petite idée sur la question … !
“Une moitié du monde pense que c’est possible, et l’autre pense que ça ne l’est pas. Je pense que personne ne le sait réellement étant donné que personne n’a encore essayé. C’est donc la chose à faire : juste essayer. “
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axee35
9 mai 2014 at 11 h 51 min
Ce téléphone est géniale ou est ce qu’on peut le commander ?
Thomas Dutouquet
15 juillet 2014 at 15 h 34 min
Salut Axel ! Le concept de phonebloks n’en est encore qu’à ses balbutiements. Google avance avec Project Ara, et est en cours de test avec les développeurs, et prévoit un lancement pour 2015.
Je t’invite donc à surveiller ce projet de près si tu es intéressé 😉