Cette semaine je vous parle notamment de progrès robotique, de e-commerce, du projet de loi El Khomri et de retargeting. Pas de sujet long cette semaine mais des brèves plus développées à la place.
Les brèves dont on ne parlera (presque) pas :
Le fisc réclame 1,6 milliard d’euros à Alphabet, la maison mère de Google. Le mois dernier Google et le fisc britannique trouvaient un accord (qui a fait polémique) sur le versement de 172 millions d’euros d’arriérés d’impôts. Cette semaine Michel Sapin , l’actuel ministre des Finances et des Comptes Publics exige une somme 10 fois supérieure en affirmant qu’aucune négociation ne sera possible avec la multinationale.
Il semble en effet que le fisc français n’entend pas transiger sur des arriérés d’impôts alors même que la somme représente le chiffre d’affaires annuel de la filiale française. Dans le schéma fiscal actuel de la firme, les bureaux français n’exerceraient que des fonctions supports ce qui explique le faible montant de revenus déclarés au fisc. A regarder les contrats sur AdWords notamment (le service d’annonces publicitaires du groupe) il est bien noté que le virement transite directement en Irlande où l’impôt sur les sociétés est bien plus faible qu’en France (12.5 % contre 30 en France en moyenne).
De son côté le fisc rappelle que si Google affirme ne faire que du “support” en France il parait dès lors étonnant d’avoir dans ses effectifs près de 150 commerciaux de niveau Bac +5 qui a priori ne sont pas là uniquement pour coller des timbres. Pour le fisc, la présence des commerciaux confirme que Google France réalise bien du business non déclaré sur le territoire français,. De fait il les somme donc de verser les fameux arriérés d’impôts.
Cette exigence du fisc n’est qu’un exemple supplémentaire des batailles sans fin qui se déroulent entre l’État et les multinationales qui parviennent à optimiser légalement leur taux d’imposition. Je dis légalement car les schémas fiscaux élaborés par Google et tant d’autres multinationales ne sont pas interdits par la loi. Pour les entreprises du numérique la loi fiscale est perçue comme du code : s’il existe une faille/un bug non corrigé rien ne les empêche d’en profiter. Du coup, Google le répète à l’envi : “nous respectons la loi telle qu’elle est à l’heure actuelle”.
Sans compter la somme que pourrait remporter le fisc français s’il gagne la bataille, les enjeux sont importants. Une telle actualité fait réfléchir sur la pertinence d’avoir à payer des impôts sur le territoire dans lequel l’activité se déroule. Ça parait logique mais avec les entreprises aux services dématérialisés comme Google ou Facebook par exemple, on voit bien que la notion de frontières devient floue. En effet, est-ce que l’activité réalisée correspond à l’endroit où sont stockées les données, l’endroit où l’algorithme fonctionne, ou même l’endroit où l’internaute visualise le service rendu ?
Enfin, la question de la concurrence fiscale au sein des pays de la zone euro devra tôt ou tard être sérieusement posée. En réalité, dans une zone qui s’est développée ces dernières décennies sur le modèle de l’harmonisation des règles et des lois, la concurrence fiscale entraîne forcément des paradis et des enfers fiscaux. Dès lors, il n’est pas si illogique de voir les grandes entreprises aller là où les conditions sont les plus favorables. Du coup, dernière interrogation à ce propos, doit-on tous s’harmoniser à l’échelle de la France ou de l’Irlande ? Autant dire que l’Europe n’est pas prête de régler cette question avant un très long moment.
Le multi-écrans se généralise et influence les pratiques des internautes. Petit condensé des résultats de l’étude menée par la société spécialisée dans la mesure d’audience des médias audiovisuels.
En quelques années la robotique a fait des bonds de géant au niveau de ses capacités tant intellectuelles que motrices. Google croit beaucoup en l’intelligence artificielle, on en a déjà parlé il y a deux semaines. Cette semaine, la firme de Mountain View montre par le biais de sa filiale Boston Dynamics, à quel point le domaine de la robotique l’intéresse aussi.
Certains trouveront les “exploits” dérisoires en comparaison de ce que peut faire l’Homme. C’est pourtant très impressionnant et ça montre la vitesse à laquelle on enregistre des progrès dans ce secteur de la robotique. On pourrait même parler de progrès tout court car pour rappel il aura fallu plusieurs centaines de milliers d’années à l’être humain pour devenir véritablement bipède !
Personnellement la manière dont Atlas manque de trébucher toutes les trois secondes me met un peu mal à l’aise, comme si on avait volontairement donné au robot des jambes difformes au lieu de jambes humaines classiques. Il va sans dire que le but de ses jambes est justement d’équilibrer au mieux le robot dans chacun de ses mouvements. Cette sensation peut donc se comprendre d’une certaine façon avec la théorie de la “Vallée dérangeante” de Masahiro Mori. Très grossièrement, plus un robot a une forme humaine plus ses particularités rappelant sa condition non-humaine créeront un sentiment de malaise chez l’observateur humain.
Du coup, dans la suite de la vidéo, quand je vois un être humain littéralement martyriser ce pauvre robot je ne peux m’empêcher de ressentir une petite pointe d’empathie pour un être qui n’est pas (encore ?) doté de sentiments.
Eh oui, Atlas reste une machine tout comme votre ordinateur ou votre smartphone. Qui n’a jamais donné un coup (même très léger) à son PC ou à son téléphone quand ce dernier rame sévèrement ? Iriez-vous faire la même chose avec ce robot de forme humanoïde de presque 2 mètres ?
D’un point de vue plus industriel, il ne fait aucun doute, vu les compétences de la machine, que la manutention va devenir le prochain secteur où la main d’oeuvre humaine va souffrir d’une concurrence féroce par leurs homologues artificiels.
A ce propos je vous conseille l’excellente série suédoise Real Humans, laquelle aborde avec brio ces futurs sujets de société.
Les articles de sport représentent-ils le nouvel eldorado du e-commerce ? Début février la Fnac annonçait déjà son intention de s’attaquer à ce juteux marché.
Cette semaine c’est au tour du groupe L’Équipe de lancer un site de e-commerce dédié aux articles de sport. Avec près plus de 100 000 références différentes c’est tout de même 3 fois plus que ce que propose le leader Decathlon dans ses magasins physiques. Et ce n’est qu’un début selon Emmanuel Alix, le directeur du pôle numérique du groupe :
Nous avons un objectif de 250.000 références de produits d’ici la fin de l’année. Nous comptons notamment nous développer fortement dans le sport loisir et l’outdoor.
Le e-commerce est-il l’avenir des médias? C’est assez logique quand on y pense. On peut comparer ce choix avec la décision des banques, il y a plusieurs années déjà, de proposer aussi des contrats d’assurance à leurs clients. En y réfléchissant bien, les banques avaient dans leurs bases de données suffisamment d’informations pour prospecter aisément sur ce nouveau segment. En étant déjà légitime dans les engagements de longue durée, l’assurance n’était pas un produit si différent à vendre… L’Équipe n’est pas le seul site de médias à tenter l’aventure du commerce en ligne. Doctissimo par exemple, lançait en 2014 DoctiPharma, une marketplace consacrée aux produits parapharmaceutiques et aux médicaments délivrables sans ordonnance.
Dans le cas de l’Équipe, on parle quand même d’un des leaders du journalisme sportif. Avec 11 millions de visiteurs uniques chaque mois (contre 5 sur le site Decathlon) le groupe peut espérer convertir une partie de son audience en clients. Il joueront donc sur leur grande légitimité dans le domaine du sport pour donner confiance aux lecteurs de passer par leur marketplace afin d’acheter de l’équipement sportif. Afin de favoriser les ventes le groupe compte mettre en avant les produits en fonction des événements sportifs dans l’actualité afin de les inscrire pleinement dans l’offre de contenus du site. Concrètement, selon Matteo Bisicchia, responsable business development de L’Équipe :
A terme, elle [la page redirigeant vers le marketplace] sera aussi relayée à l’intérieur du site, de façon contextualisée par rapport aux contenus. Par exemple, sous le résumé d’un match PSG/Lyon, nous proposerons d’acheter les maillots des deux clubs. Par ailleurs, une sélection de produits sera présentée sur le print. De plus, nous nous attacherons à pousser les bons produits aux bons moments. Ainsi, Roland Garros peut devenir un temps fort en e-commerce si l’on travaille le merchandising en ce sens.
A l’heure où la publicité ne suffit plus à rendre les médias rentables, cette forme de monétisation de l’audience est stratégiquement intelligente. Cependant, nombreux seront les lecteurs à dénoncer le problème éthique d’un mélange des genres forcée entre journalisme et e-commerce.
La réforme gouvernementale sur le droit du travail a beau n’être qu’en phase de projet, la grogne monte sur Internet face à une loi jugée par beaucoup comme régressive sur le plan des conditions salariales.
Déjà le 19 février Caroline De Haas, une militante féministe et syndicale, déposait sur le site français Change.org, une pétition contre le projet de loi El Khomri. Intitulée “Loi travail : non, merci !” la pétition réunissait en une semaine 550 000 signatures, un record pour une pétition française. A ce rythme, le score d’un million de signataires pourrait être atteint d’ici le début du mois de mars. Face à ce succès, la ministre elle-même a décidé de répondre officiellement sur la page de la pétition.
25 févr. 2016 — L’avant-projet de loi « Travail » suscite un intense débat démocratique. Vu l’enjeu et l’ampleur de la réforme c’est normal et c’est salutaire ! Si certaines affirmations de cette pétition sont vraies, de nombreuses autres sont fausses et beaucoup sont incomplètes. Or un débat de cette importance doit s’appuyer sur des informations précises.
Pas facile de défendre une loi qui ne sera examinée concrètement qu’à partir d’avril à l’Assemblée nationale. La ministre invite évidemment chacun à consulter le site Internet du projet afin d’en apprendre plus sur le texte prochainement débattu.
Une autre fronde s’organise aussi contre la loi El Khomri … sur Youtube. Cette forme de résistance est plus rare et correspond bien à une adaptation des formes de militantisme au XXIème siècle. Ainsi, dans une vidéo mise en ligne, mercredi 24 février, une dizaine de youtubeurs interpellent les internautes sur le danger que représente la loi sur leurs futures conditions de travail.
Avec le Hashtag #OnVautMieuxQueÇa ces vidéastes du web entendent eux-aussi organiser une résistance massive dans le but de “se faire entendre par les hommes politiques”. Comme l’indique Usul (un des Youtubeurs à l’origine du mouvement), l’important étant de montrer que :
Le travail n’est pas une affaire de technocrates. Il faut pour cela remettre les citoyens au centre du projet politique.
Ces initiatives montrent à quel point Internet permet de rassembler les internautes autour d’un but commun. Je vous en parlais la semaine dernière avec le projet de plateforme de Boycott en ligne, Internet est une formidable outils de pression symbolique que les entreprises et les gouvernements craignent de plus en plus.
L’application de la semaine :
Cette rubrique est généralement dédiée à des applications qui vous simplifierons la vie. Drupe propose aux possesseurs d’Android de regrouper toutes les applications avec lesquelles vous communiquez avec vos contacts. Ainsi, au lieu d’aller sur l’application dédiée, de composer un nouveau message et de rajouter le destinataire de votre choix, il suffit désormais d’un simple cliquer-glisser du contact vers le service de messagerie voulu.
Depuis les dernières mises à jour il est aussi possible d’ajouter et de lier des applications type Google Map ou Waze pour donner en quelques secondes votre position GPS à votre contact. Cela lui permettra de vous rejoindre sans même avoir à rentrer d’adresse !
Le terme de communication/marketing digital de la semaine :
Le retargeting correspond au fait d’afficher des messages publicitaires sous forme de bannières sur des sites Internet après qu’un internaute a fait preuve d’un intérêt particulier pour un produit sur un autre site.
De nombreuses entreprises tech se sont spécialisées dans le retargeting. On peut parler de Google pour son service AdWords. Mais saviez-vous qu’il existe aussi un certain savoir-faire français à ce niveau ?
Critéo est la première entreprise française depuis 1994 a être rentrée au NASDAQ, la Bourse américaine des valeurs technologiques. Sa spécialité depuis 2005 est de développer des solutions de reciblage publicitaire extrêmement puissantes. Les bannières Criteo sont générées en temps réel pour chaque utilisateur afin de lui présenter les recommandations produits les plus pertinentes en fonction de son historique de navigation.
D’un point de vue marketing le retargeting est essentiel car dans la grande majorité des cas un internaute qui clique sur une annonce ne va pourtant pas débourser un centime une fois arrivé sur la page d’achat. C’est en lui remettant en tête cet intérêt notable pour un produit que des entreprises comme Critéo parviennent à faire augmenter le taux de conversion (comprenez un achat réalisé).
La réglementation française oblige désormais les sites à demander s’ils peuvent conserver vos cookies (les traces que vous laissez sur chaque site). De plus si vous utilisez une navigation privée toutes vos traces sont supprimées à la fermeture du navigateur.
Enfin, dans tous les cas, les internautes avec Ad-blockeurs ne connaîtront jamais les conséquences d’une publicité (re)ciblés. Mais que ces utilisateurs d’Adblock se rassurent, des sites comme Amazon utilisent déjà des algorithmes de retargeting en partenariat avec ceux de recommandations au sein même de leurs pages afin de s’assurer que vous ne repartiez pas sans un petit achat plaisir.
C’est tout pour cette revue de presse du monde digital de la semaine. On se retrouve mardi prochain, d’ici là comme d’habitude restez connectés !
Retrolien : Revue de presse du monde digital (du 29 fev au 05 mars 2016) - Toile de Fond