En septembre de cette année 2013, la start-up Google a soufflé ses 15 bougies – vous l’aurez sûrement remarqué grâce au doodle “piñata” mis en place pour l’occasion. L’emploi du qualificatif “start-up” n’est pas anodin : d’une part parce que 15 années, c’est à la fois beaucoup et peu pour une société mondiale ; et surtout, d’autre part, parce que Google a su maintenir une logique de gestion entrepreneuriale. Et ça, comme dirait l’autre, “c’est frais”.
Commençons cette plaidoirie pro-Google par une brève définition de la gestion entrepreneuriale. Pour être précis, commençons par aborder la notion de gestion managériale : il s’agit ici d’assurer la continuité de l’activité d’une entreprise, et d’optimiser les ressources en sa possession.
La gestion managériale d’une entreprise est donc bien évidemment nécessaire, mais insuffisante : une société gérée uniquement de cette façon est vouée à disparaître, dans la mesure où elle ne pourra pas maintenir une position supérieure, durablement, face à la concurrence. L’exemple le plus récent et le plus criant est sans doute Kodak, qui n’a pas su quitter sa zone de confort/rentabilité – la photo argentique – pour migrer vers la photo numérique (alors même qu’elle a été pionnière dans le domaine en déposant les premiers brevets sur le numérique).
La gestion entrepreneuriale, elle, consiste à rechercher de façon incessante de nouvelles opportunités en créant de nouvelles ressources : en somme, cela consiste à innover, à refuser le statu quo, à prendre le risque de se vautrer. En contrepartie, la récompense est potentiellement très belle : forte croissance, profit, plus-value !
“If you’re not doing some things that are crazy, then you’re doing the wrong things.” — Larry Page, cofondateur & CEO Google
Que ce soit par le biais d’un développement interne des applications, ou par des acquisitions externes, Google explore toutes les pistes qui s’offrent à elle, tout en s’assurant de conserver son leadership sur les segments clés de son activité (la recherche, la cartographie, les loisirs et la messagerie). La société grappille petit à petit les espaces et met rapidement à disposition du marché un MVP (minimum viable product, et non pas “most valuable player” 😉 ). Histoire d’occuper le terrain, avec la force de frappe Google, et de vite itérer suivant la réaction du marché.
Ainsi, Gmail est rendu public en 2004, et sort de beta… en 2009. Les Google Glass, dévoilées début 2012, sont rapidement – et encore actuellement – mises à disposition des développeurs, chargés d’expérimenter avec le joujou. Google Docs ou Keep sont deux autres exemples de produits qui ont été rapidement mis sur le marché, et progressent en fonctionnalités très régulièrement (sous le nom de Drive désormais).
Bien sûr, cette stratégie n’est pas forcément synonyme de réussite “à tout les coups”. Google ne réussit pas partout : pour preuve, la société ferme tous les ans nombre de services, et doit régulièrement recentrer son offre (ex: centralisation en 2013 de ses différentes messageries autour de Hangouts). Mais globalement, Google – et ses revenus – peut bien s’autoriser une dispersion des ressources.
Google commercialise énormément de produits et de services, mais le nombre n’empêche pas la qualité de prévaloir. Et chez Google, la qualité, c’est de faire un grand bon en avant.
Lorsque Larry Page, le CEO et cofondateur de Google, est interrogé sur l’esprit qui anime sa société, que répond-t-il ? Que se fixer comme objectif de faire un produit 10% meilleur équivaut à concevoir une offre équivalente à la concurrence, et que cette mentalité aboutit au déclin des entreprises. Non, une entreprise doit viser une innovation disruptive de 1000% (x10), pour s’affranchir des schémas existants.
There’s always more to do, and Larry Page’s focus is on where the next 10X will come from. — Astro Teller, Captain of Moonshots Google[x]
C’est pourquoi lorsque Google arrive sur un marché, l’offre se veut totalement différenciée. Comme (par exemple) lancer un moteur constitué d’une page blanche et d’une barre de recherche vs. les portails de recherche fouillis. Comme une capacité de stockage dans Gmail 100 fois supérieure à la concurrence. Comme une offre fibre optique 100 fois plus rapide que le standard actuel.
Et à la différenciation, s’ajoute l’ambition : fournir des traductions dans toutes les langues, scanner l’ensemble des livres du monde, construire des voitures qui roulent de façon autonome, apporter une couverture internet mondiale…
Chez Google, l’obsession pour l’innovation et le “10X” est telle que la société y consacre désormais un budget massif (6,8 milliards de dollars en 2012), entretient des partenariats prestigieux, et a créé de véritables bacs à sable scientifiques.
Google + NASA. Première illustration de cet effort de recherche, le Quantum Artificial Intelligence Lab, qui résulte d’un partenariat entre Google, D-Wave Systems et la NASA. L’objectif de cette entente ? Parvenir, à l’aide d’un super ordinateur calculateur, à percer de grands mystères dans des domaines comme l’intelligence artificielle, la conquête spatiale, la médecine, le changement climatique… Tout un programme !
X Lab : la batcave de Google. La deuxième illustration n’est autre que le célèbre mais non pas moins mystérieux Google X Lab. Ce complexe situé à moins d’un kilomètre du siège de la société – le “Googleplex” – est piloté par… Sergey Brin, l’autre cofondateur de Google. Une autre preuve de l’importance accordée à ce travail par la société de Mountain View.
Google[X], est l’entité en charge des “moonshot projects” de Google. C’est-à-dire les projets qui font rêver. On en connaît d’ores-et-déjà quelques uns : les lunettes (Google Glass), les voitures autonomes (Google Cars), des éoliennes aéroportées (Makani Power), des transmetteurs internet dans des ballons flottants (Project Loon)…
“The world is not limited by IQ. We are all limited by bravery and creativity.” — Astro Teller, Captain of Moonshots Google[x]
Si vous souhaitez d’ailleurs découvrir comment fonctionne en profondeur Google[X], je vous conseille de lire cet article très détaillé de Businessweek & Bloomberg (EN) : Inside Google’s Secret Lab.
Calico, la nouvelle frontière. Calico, c’est le dernier né des grands projets de Google. Il s’agit cette fois-ci d’une entreprise à part entière, et non intégrée à Google comme dans le cas de Google[X].
Celle-ci doit s’attaquer au défi de la longévité, et aux maladies liées à la vieillesse, avec un mode opératoire différent des laboratoires, car focalisé sur le long terme, et non la recherche de profits immédiats. Google s’aventure une nouvelle fois en terres inexplorées, et cherche à repousser la frontière du connu, à l’instar de ses ancêtres américains.
Google peut faire peur : omnipotence, questions relatives à la vie privée… mais on peut et doit aussi admirer l’esprit qui anime la société, qui ne se contente pas de sa vache à lait, la recherche et la publicité associée. Alors certes, Google a les moyens d’explorer des nouvelles voies, dotée de revenus et cash importants. Google a aussi l’obligation de chercher d’autres voies de croissance, alors que les CPC (coût au clic) des ses publicités sur ordinateur diminuent. Mais tout de même, la société se donne les moyens et l’ambition de durer et de révolutionner les marchés.
La gestion entrepreneuriale de Google amène un agrandissement du spectre d’activités de l’entreprise, sur des segments qui peuvent être jugés farfelus, mais qui seront très probablement des enjeux d’avenir, des technologies de demain. Pour cela, un énorme travail de recherche, d’innovation, est réalisé, avec toutefois toujours le marché et les utilisateurs dans le viseur – pour éviter de n’être qu’un immense laboratoire de recherche sans aboutir à une offre tangible.
Je ne sais pas pour vous, mais Google me fait rêver : cette entreprise est pour moi synonyme d’espoir, de dynamisme, d’avenir !
*Cette cartographie n’est bien entendu pas exhaustive, mais permet d’appréhender l’étendue de la “galaxie” Google actuelle.