Le 9 février dernier, le SELL (le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs) sortait comme chaque année sa traditionnelle rétrospective du secteur vidéo-ludique français. Je vous propose donc un petit récapitulatif des données les plus intéressantes :
- Après une année 2013 de transition entre la 7ème génération de consoles de salon (Wii, Xbox 360, Ps3) et la 8ème (Wii U, Xbox One, Ps4) l’année 2015 marque une deuxième année consécutive de croissance du secteur.
- 2,3 millions de consoles de dernière génération ont trouvé preneur en 2015, soit 30 % de plus qu’en 2014. Cela permet de porter le parc français de consoles de nouvelles génération (salon + portable) à 8 millions d’unités, soit une console pour 8 habitants.
- En fin d’année le chiffre d’affaires (CA) de l’industrie s’élevait ainsi à 2,87 milliards d’euros. Le calcul prend en compte les ventes physiques et dématérialisées.
- La France se situe ainsi dans le Top 3 des marchés européens en terme de CA. Quand on y pense, ce chiffre n’est absolument pas pertinent. Quels sont les 3 pays les plus peuplés d’Europe ? Quels sont maintenant les 3 pays où le CA est le plus élevé ? Bon normalement vous répondez les-mêmes si vous avez lu. Le chiffre n’a donc aucune valeur et il aurait été préférable de lui substituer un chiffre d’affaire divisé par le nombre d’habitants. En France cela donnerait une dépense annuelle d’environ 43,5€ par habitant. Si on le compare avec un autre pays bien moins peuplé que la France comme la Suède (9,6 millions), avec un CA 2014 de 950 millions d’euros (les chiffres de 2015 ne sont pas encore disponibles, je mettrais à jour le résultat dès que possible), cela nous donne une dépense annuelle par habitant d’environ 99€, soit plus du double du résultat français ! Le succès français est donc clairement à relativiser.
- Le dématérialisé représente près d’⅓ du CA total et a connu une croissance importante cette année (+23%). Cela prouve que de nouveaux usages se dessinent en France chez les joueurs (les ventes de jeux sur smartphones ne sont évidemment pas indifférentes à ce constat).
- En ne prenant que les résultats des ventes physiques, deux jeux ont atteint la barre du million d’acquéreurs en 2015 : FiFA 16 et Call of Duty : Black Ops 3 avec 1,3 million d’unités vendues chacun. L’industrie vidéoludique se maintient cette année encore au sommet des ventes de biens culturels dans l’hexagone.
- Si les gagnants ne surprennent pas , on note cependant l’absence de franchises issues d’un éditeur français dans le Top 10 des meilleures ventes de l’année. En effet, si on compare avec 2014 où Ubisoft plaçait WatchDogs et Assassin’s Creed Unity respectivement à la 4ème et à la 10ème place, cette année il faut attendre la 11ème place avec les 235 000 copies vendues de Just Dance 2016 pour apercevoir la société d’Yves Guillemot. L’éditeur peut se consoler en notant que la dernière mouture d’Assassin’s Creed permet d’engranger prêt de 14 millions d’euros de recettes (le plaçant alors en 9ème position sur l’échelle des meilleurs ventes en valeur). On reste tout de même loin des 75 millions d’un FIFA 16 ou les 61 millions d’un Call of Duty.
- On note finalement sur les éditeurs de jeux que le classement est dominé par les Américains et les Japonais. Encore une fois l’Europe ne brille pas et seul Ubisoft parvient à se maintenir dans le classement avec une médiocre 4ème place cette année (l’éditeur était 3ème en 2014).
- Parce que le SELL aime à rappeler que l’industrie du jeu-vidéo est responsable, il fait remarquer que la majorité des titres vendus ne dépassent pas le PEGI 12 (PEGI est la norme européenne chargée de juger le contenu des jeux afin d’indiquer un âge à partir duquel on peut y jouer sans être potentiellement choqué).
- Dans les faits le constat est plus dur à tenir sachant que les meilleurs ventes (en volume comme en valeur) sont quasiment monopolisées par des jeux au moins PEGI 16.
Pour conclure son rapport, le Président du SELL, Jean-Claude Chinozzi, n’hésite pas à annoncer que :
“les perspectives sont donc très positives et [leur] assure une troisième année consécutive de croissance en 2016.”
Il mise notamment beaucoup sur la sortie imminente des casques de réalité virtuelle lesquels devraient permettre de booster encore plus le chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur. Pour rappel, le SELL reste avant tout un lobby visant à défendre l’activité vidéoludique en France auprès des décisionnaires politiques et des investisseurs. En cela l’état des lieux dressé par l’organisme tend parfois à grossir le trait, camoufler certaines réalités voire à jouer avec les statistiques pour parvenir à des résultats plus “business friendly”. C’est de bonne guerre diront certains, et considérant les enjeux financiers, c’est même prévisible, ça reste pour autant assez peu éthique.
Cet article est issu de la revue de presse du monde digital (du 08 au 13 février).