Aujourd’hui, une personne sur deux joue quotidiennement à des jeux-vidéo. Peut-être êtes-vous d’ailleurs l’un de ces joueurs ; vous aimez vous faire une p’tite partie de Doodle Jump dans le métro, ou exploser des bonbons pendant que votre boss raconte sa vie pendant une réunion inutile. Ou bien vous adorez exploser vos ennemis au lance-roquettes, tuer des orcs à coups de hache, mener de grandes armées à la victoire.
Mais il y a toujours cette espèce de génie qui vous surpasse, ce type qui vous met la misère sur Starcraft II avant que vous n’ayez eu le temps de dire « ouf ». La première excuse à laquelle on pense est « Ouais mais ce mec il n’a pas de vie, il fait que jouer ! ». C’est peut-être pas faux. Mais parfois, ce gamer n’est pas l’adolescent boutonneux auquel on pense ; il est même tout l’inverse : c’est un professionnel.
Alors laissez derrière vous ce cliché du geek aux cheveux gras dopé aux chips et au Coca. Ici, les jeux-vidéo sont une affaire sérieuse, une compétition de haut niveau qui peut mener à la célébrité. Bienvenue dans l’univers « e-sport ».
Non non, les joueurs n’ont pas créé un mot barbare juste pour faire les beaux. L’e-sport (prononcez « isporte » à l’anglaise) est en réalité l’acronyme de l’expression anglaise « Electronic Sport ». Il désigne le fait de s’adonner à la pratique régulière, sur Internet ou en réseau local, d’un jeu-vidéo nécessairement multijoueur (ouais, parce que personne ne doute du fait que vous allez finalement réussir à tuer ce petit orc. Par contre, ce coréen qui vous fait face et qui joue comme un demi-dieu, y’a déjà un peu plus de challenge). L’utilisation du terme e-sport a évolué depuis quelques années, et désigne aujourd’hui essentiellement le jeu compétitif de niveau professionnel.
L’e-sport a réellement émergé en 1997 avec la création de la Cyberathlete Professional League (CPL), qui a défini les bases de ce nouveau système sportif. Depuis, de nombreuses structures ont fait surface et renforcé la communauté du jeu-vidéo professionnel. La plus active à l’heure actuelle est l’Electronic Sports League (ESL).
Ces grosses organisations multi-jeux programment régulièrement des événements qui attirent des joueurs du monde entier, ainsi que des millions de spectateurs en live ou sur Internet. Certains jeux ont un succès tellement phénoménal que leurs créateurs leur dédient des manifestations entières, à l’image des studios Blizzard (Starcraft, World of Warcraft, …) ou de Riot Games (Leagues of Legends). D’autres studios, plus modestes, profitent de salons du jeu-vidéo (comme la Paris Games Week qui vient d’avoir lieu Porte de Versailles, à Paris) pour présenter leur jeu, et organiser des tournois de plus petite taille.
Starcraft II, principal jeu de stratégie de ces dernières années
C’est vrai quoi, mis à part les ménagères de moins de 50 ans qui shakent leur booty sur Wii Fit ou votre petite soeur qui vous casse les oreilles avec son Just Dance, personne ne fait de sport quand il joue à des jeux-vidéo. D’ailleurs, si je pouvais avoir les abdos de Beckham en sirotant mon Coca Cherry devant Counter-Strike, vous ne me verriez jamais sur un terrain de sport. Pourtant, loin de l’image du joueur associal souvent véhiculée, le profil de ces passionnés du jeu se rapproche de celui des sportifs de haut niveau.
Call of Duty : Black Ops … L’un des jeux de tir privilégiés de la scène e-sport
Si l’on regarde 15 ans en arrière, c’est simple : la connexion ADSL n’en était qu’à ses débuts, les jeux multijoueurs restaient cantonnés au réseau local et le jeu en ligne n’existait donc tout simplement pas ; essayez d’imaginer un hélico sans hélice, tout d’suite, ça vole moins bien. Si l’on s’intéresse à l’état de l’e-sport aujourd’hui, on s’aperçoit qu’il a bien progressé et que ce n’est que le début ! Il y a deux raisons principales qui expliquent ce phénomène.
(1) La première raison se situe du côté des studios de développement de jeux-vidéo : prenons l’exemple de Guild Wars II, jeu de rôle en ligne massivement multijoueur (abrégé MMORPG dans sa version anglaise) développé par ArenaNet et sorti il y a un peu plus d’un an. La communication pour sa sortie a été orchestrée au micro-poil pour attirer la communauté de joueurs ESL pratiquant le Joueur contre Joueur (JcJ), déjà présents sur le premier volet du jeu, Guild Wars I.
Les développeurs se sont pliés aux exigences de l’ESL en terme de JcJ (équipes de 5 joueurs, format de jeu, type de cartes, …) pour pouvoir intégrer le cercle relativement fermé des « jeux e-sport » et séduire de fait l’énorme communauté ESL. Sortir un jeu dans une optique e-sport, c’est potentiellement s’attirer des centaines de milliers de joueurs survoltés prêts à en découdre … et surtout à acheter votre jeu. Sympa, le coup marketing gratos !
(2) Pour trouver la deuxième raison, il faut chercher du côté du World Wide Web (rangez cette foutue planche de surf, ça fait ringard). Les moyens de communication web ont énormément évolué, et les joueurs qui étaient déjà nés à la sortie du Minitel ont saisi la balle au bond : le partage de contenu vidéo-ludique s’est multiplié avec le développement du streaming, et la création de sites comme Twitch où un joueur peut tranquillement poutrer déglinguer éliminer du zombie avec des milliers de followers qui regardent son écran en temps direct.
Beaucoup de joueurs professionnels jouent en stream régulièrement, et les plus célèbres d’entre eux rassemblent quotidiennement des centaines de spectateurs. Imaginez donc pour un événement planétaire ! Juste pour vous donner un ordre d’idée, les Mondiaux de League of Legends ont rassemblé 8,2 millions de fans en 2012, et plus de 32 millions de spectateurs pour leur édition 2013 ! Des chiffres hallucinants qui confirment l’inexorable montée de l’e-sport. Finalement, les audiences de Ligue 1 peuvent aller se rhabiller avec leurs petits millions !
Shootmania : Storm, dernier jeu de tir à succès de l’univers e-sport
L’e-sport est une discipline tout aussi récente que prometteuse. Son développement initial s’est appuyé sur un socle solide de fans, prêts à tout pour promouvoir leur passion. Depuis quelques années, le processus change légèrement : de grands groupes se tournent vers ce secteur plein d’attraits, et apportent la contribution pécuniaire indispensable pour propulser l’e-sport au même niveau que les sports traditionnels. Le chemin est encore long, mais bon … « Rome ne s’est pas bâtie en un jour », dit-on souvent.
Actuellement, on évoque de plus en plus l’idée que la télévision telle qu’on la connaît est vouée à s’éteindre, et que les programmes télé devront se métamorphoser pour rivaliser avec Internet et son interactivité. Certains gros constructeurs comme Samsung s’intéressent déjà de près à l’idée de « télévision connectée ». Qui sait ? Peut-être que dans quelques années, plutôt que de regarder un match de foot avec vos amis en buvant une bonne bière, vous regarderez le stream Twitch des Championnats du Monde de Starcraft III tranquillement allongé sur votre canapé. La bière et les amis seront toujours de la partie, promis !
Retrolien : Twitch, concurrent à YouTube dans le streaming de jeux vidéos ? - Toile de Fond
Retrolien : Qu'est-ce que Twitch ? - Toile de Fond
Nicolas Z.
18 novembre 2013 at 11 h 51 min
Excellent article !
Avec le succès exponentiel de Twitch, son arrivée dans les consoles de salon next-gen et avec toujours plus d’événements de grande envergure, l’e-sport a de très beaux jours devant lui.
Il ne manque plus qu’à changer les mentalités, car aujourd’hui dire à ses amis qu’on va passé le Week-end à regarder la BlizzCon pour la finale des World Championship Series de Starcraft 2 c’est passer pour un hermite extra-terrestre. Et pourtant la magie, le spectacle et le suspens me galvanise bien plus que je ne saurai me l’avouer.
Toiledefond ? Vous venez de gagner un nouveau fan. Que dis-je… un ambassadeur !
getten
18 novembre 2013 at 9 h 55 min
Article encore une fois passionnant, on ne peut plus douter de la qualité des rédacteurs de Toile de Fond et de la pertinence de leurs articles ! Un mini bémol : il va vraiment falloir arrêter de maltraiter le nom de Roland Garros ou la marque Rolex 😉
Continuez à nous e-cultiver !
Magdelaine Paul
15 novembre 2013 at 16 h 27 min
Ton article est excellent !! Il manque juste une anecdote à propos de l’e-sport, la place qu’il occupe en Corée du Sud où c’est le deuxième sport le plus regardé derrière le baseball.
Martin Broguière
16 novembre 2013 at 23 h 49 min
Le lien entre la Corée du Sud et l’e-sport est tellement ouf que ça mériterait un article complet … mais j’avoue que je ne savais pas que le score d’audience était aussi élevé ! 🙂
Cezouu
15 novembre 2013 at 15 h 18 min
J’aurais ajouter aussi cette sensation de WebTV : La télé vous ennuie, rien est intéressant, regardez pas un match de foot mais mangez devant un Match de StarCraft II avec des commentateurs Sympas ( <3 Pomf et Thud). Le système de Stream est + que prometteur, mais attention aux Fan boy !
Moi c'est ce que j'aime dans l'e-sport.