Fait-on véritablement les meilleures soupes dans les vieux pots ? C’est en tout cas le pari fou que se sont lancé les entreprises du milieu numérique. C’est ainsi que depuis quelques années, nous voyons ressortir les best-sellers de notre jeunesse. Enquête au cœur de ce nouveau phénomène du rétro.
Ce phénomène de restauration démarre véritablement avec le groupe Disney. En effet, en 2001, les studios Disney restaurent l’un de leurs classiques, Blanche-Neige et les sept nains, et entame une nouvelle collection : Édition Platine. Les 12 films “Platine” sortis entre 2001 et 2009 sont de véritables réussites commerciales. Fort de ses succès, Disney décide de lancer une nouvelle collection pour permettre à ses classiques de profiter de la qualité Blu-ray avec les éditions Diamant. Ainsi, en promouvant ses classiques d’antan avec la qualité d’aujourd’hui, Disney nous montre qu’il existe une véritable demande pour le rétro, qui joue sur la fibre émotionnelle de l’acheteur. On remarque cependant que celui-ci n’est pas le consommateur traditionnel de Disney. En effet, si la cible des nouveaux films Disney est l’enfant, ce sont clairement les parents qui sont visés par les rééditions. On peut comprendre ce choix de consommation à travers deux explications. Premièrement, ce type de produit répond à la nostalgie des parents. De plus, ces films permettent de créer un lien entre le parent et son enfant, le premier partageant un contenu qu’il connait et qui est aussi accessible au second.
Ce phénomène de restauration ou de remasterisation (parce qu’à Toile de Fond on aime les anglicismes) n’est cependant pas exclusif au domaine cinématographique. On remarque en effet que celui-ci est aussi présent dans le monde musical. C’est ainsi que l’on remarque la prolifération des compilations rendant hommage à certains artistes comme par exemple “Génération Goldman” “Aznavour, sa jeunesse” ou encore “La bande à Renaud”. Dans la même optique, on retrouve l’album “We love Disney” qui sort par ailleurs son deuxième volume, décidément notre très cher Walt est partout.
La sphère du jeu vidéo n’est pas exemptée de ce phénomène. On notera par exemple la sortie de versions haute-définition de certains classiques comme celle du jeu de stratégie culte Age Of Empires II sur PC. Sur consoles, ressortir des vieux titres est encore plus monnaie courante. Ainsi, certains vieux titres sont revendus sur les boutiques en ligne des différentes consoles (Psn pour Sony ou encore Xbox Live pour Microsoft). Néanmoins, en matière de jeu vidéo, les rééditions qui ont connu les plus grands succès sont ceux de Pokémon sur consoles portables avec les nouvelles versions de rouge/bleu et de or/argent. Informons aussi nos chers Pokémaniacs que les rééditions de la troisième génération (rubis/saphir), dévoilées à l’E3 2014, pourra sans doute être sous leurs sapins cette année.
On peut aussi noter cette nouvelle tendance du rétro dans le 8eme art. Et oui, avec la renaissance du polaroid, la photographie, elle aussi, s’habille en mode vintage. Cette tendance s’établit à contre-courant de l’amélioration continue des appareils photos numériques qui deviennent de plus en plus performants. Même nos smartphones offrent désormais une qualité photo plus que correcte. Néanmoins la numérisation rend la photographie froide contrairement au polaroid, qui a certes une qualité moindre mais qui apporte une certaine convivialité et chaleur humaine, qui manque cruellement à la photo numérique.
Même si ces contenus remastérisés témoignent d’un véritable engouement nostalgique de la part du consommateur, ceux-ci ne sont pas des objets rétros en soit : ce ne sont pas des originaux ! Toutefois, l’attrait pour les objets rétro est réel. En effet, on voit par exemple se multiplier dans les centres-villes les boutiques de vinyles. Adieu CD et autres supports audio sans âme, les 45 tours (ainsi que les 33 et les 78 tours pour les connaisseurs) reviennent en force. Mais quels sont les avantages de ces disques microsillons?
Tout d’abord, ceux ci offrent une meilleure qualité sonore que les CD traditionnels, très appréciée des amateurs de musique. Sa taille, plus importante qui le rend moins transportable, fait de lui un objet de valeur plutôt qu’un simple support musical. Les grandes pochettes qui les contiennent permettent par ailleurs d’accueillir des livrets beaucoup plus riches. On notera aussi qu’il existe deux types de vinyles : les véritablement rétro, comme par exemple un 45 tour original des Rolling Stones, qui sont des objets de collection, et ceux nouvellement édités, que cela soit des versions remastérisés de groupes mythiques comme des Beatles ou bien d’artiste plus récent comme Daft Punk ou bien Artic Monkeys. Même si les vinyles sont toujours minoritaires, on remarque que le volume de leurs ventes a été multiplié par 6 entre 2005 et 2010 contrairement à celui des CD traditionnels qui ne fait que chuter comme l’illustre le graphique ci-dessous.
Si l’on parle d’objet de collection, l’exemple le plus parlant est sans aucun doute la figurine ou le jouet. En effet, il existe de nombreux collectionneurs qui recherchent ce genre de biens représentant les héros de leur enfance. Bonjour Goldorak, Megaman et autres personnages des années 80 !!! Ceux-ci sont devenus des objets prisés à un point que leur prix de vente atteint parfois des sommes astronomiques. Pas moins de 18 000 € pour un bateau gonflable Goldorak lors d’une vente aux enchères.
On voit aussi pulluler dans une moindre mesure les magasins d’anciens jeux-vidéos, revendant cartouches de game boy et autres jeux vidéos de notre jeunesse. Le jeu vidéo peut devenir lui aussi un objet de collection à part entière, recherché par les connaisseurs et qui peut valoir très cher. C’est ainsi qu’une version prototype de “The Legends of Zelda” s’est vendue aux enchères à 55 000$ sur Ebay en 2012. Néanmoins, ceci n’est pas qu’une affaire de collectionneur. En effet, il existe aussi un certain plaisir à rejouer aux jeux vidéos de son enfance, soit pour replonger dans ces derniers et se remémorer de bons souvenirs, soit pour finir un jeu particulier, trop difficile étant enfant, pour combler une micro-frustration. Cette tendance à jouer à de vieux jeux vidéos, c’est le rétrogaming.
Vous l’aurez compris, ce qui est au cœur du débat c’est la distinction entre le véritable rétro et le néo-rétro, un rétro qui ne l’est pas vraiment. Et on ne peut y échapper en ce qui concerne le rétrogaming. Ce monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent ceux qui jouent sur les consoles originales et ceux qui passent par l’émulation.
La première catégorie est donc composée de joueurs qui rachètent d’anciennes consoles d’occasion avec des jeux d’origine pour étancher leur soif de rétrogaming, mais qu’en est-il de la seconde? Qu’est-ce que l’émulation? Est-ce la dernière version d’Angry Birds? Pas vraiment. Un émulateur est un logiciel qui permet de simuler une console sur votre ordinateur ou sur votre téléphone (et oui, il est possible de jouer à Pokémon sur son smartphone !). Ainsi, il vous est possible avec un simple logiciel de jouer à des jeux de GameBoy, de PS1 voire de bornes d’arcade sur votre ordinateur. Et dans cet univers de l’émulation de nombreux sites sont présent même si l’un d’eux s’impose : Romstation. Ce dernier est à la fois un site mais aussi un logiciel qui comporte une ludothèque complète et des émulateurs pré-configurés pour toutes les consoles. Plus impressionnant encore, il vous permet de jouer en mode multijoueur en ligne : jouer au premier Mario Kart sur Nintendo 64 avec des joueurs du monde entier est désormais possible !!!
Dès lors quels sont les avantages/inconvénients de ces deux pratiques ? Jouer sur d’anciennes consoles avec des jeux d’origine est véritable voyage dans le temps. Néanmoins, trouver des originaux fonctionnels (consoles comme jeux) peut parfois s’avérer très difficile. Dès lors, l’émulation permet aux plus grand nombre de profiter des classiques du jeu vidéo.
Le retrogaming semble être plus qu’un phénomène de mode du fait de sa persistance mais aussi de son essence. Bien que l’on puisse discuter de l’appropriation du rétro par les hipsters, en ce qui concerne le jeu vidéo, le rétro est loin d’être une affaire de style ou de mode. Ce n’est pas à cause d’une esthétique nouvelle ou d’un mouvement de foule que les joueurs se replongent dans les titres de leur enfance mais par nostalgie. Ces joueurs d’un autre âge se retrouvent, échangent sur ces jeux qui les ont passionnés, formant ainsi une véritable communauté. Celle-ci s’organise autour de grands sites comme Romstation dont nous avons déjà parlé précédemment, France Retrogaming, Scrolling ou encore Oldies Rising.
Autour de ces lieux de rencontres et d’échanges, certaines personnes deviennent de véritables animateurs. Parmi ceux ci, il existe un maître de cérémonie d’envergure, un aventurier des temps modernes qui explore les abysses du retrogaming : cette icône à la chemise hawaïenne, c’est le Joueur du Grenier. Accompagné de son fidèle acolyte Sébastien, le Joueur du Grenier teste les pires jeux vidéos ce qui donne lieu à des vidéos à la fois délirantes mais aussi intéressantes. A travers les vidéos du JDG on remarque la difficulté de la plupart des jeux testés ce qui tend à prouver que les jeux vidéos ont tendance à se casualiser (encore un anglicisme miam !). La casualisation est le fait que les jeux vidéos deviennent de plus en plus accessibles à des joueurs lambda et donc deviennent de plus en plus faciles.
La communauté n’est pas donc pas homogène: on discerne en effet deux grandes scissions. La première s’établit entre les puristes qui ne jouent sur les consoles d’origine et les joueurs qui ne jurent que par l’émulation. La seconde distinction se fait entre les joueurs qui jouent par nostalgie (qui sont des casual gamers) et les joueurs plus aguerris en quête d’un peu de difficulté.
Par ailleurs, on remarque que le retrogaming est de plus en plus représenté au sein des grands rendez-vous du jeu vidéo avec de nombreux stands orientés retrogaming, on retrouve par ailleurs le joueur du grenier à certains événements.
Maintenant que tu connais les arcanes de l’émulation, que tu as envie de regarder la version blu-ray de Blanche-Neige et que tu veux écouter deux/trois vinyles, il ne me reste plus qu’une seule chose à dire : Vade Retro !!!
Guillaume Cloux
23 décembre 2014 at 14 h 31 min
Merci beaucoup.
Pour World of Goo et Portal, je pense surtout que leur succès respectif est du au fait qu’ils révolutionnent le genre du puzzle-game de manière ultra original (en ce sens Portal est une pépite).
En ce qui concerne Minecraft c’est surtout le concept du jeu Sandbox qui est mis en avant. C’est d’ailleurs le sujet de l’un de nos prochains articles.
Walid
19 décembre 2014 at 20 h 10 min
Très bon article, très bien expliqué. Ça fait toujours autant plaisir à lire, et Toile de Fond reste une valeur sûre en terme de qualité et détail des articles.
On aimerait lire des articles plus régulièrement !
Pour les versions de Pokémon Safir et Rubis, elles sont déjà sorties en réalité :
http://www.amazon.fr/dp/B00N3X4RLE/ref=asc_df_B00N3X4RLE23102053/?tag=googshopfr-21&creative=22686&creativeASIN=B00N3X4RLE&linkCode=df0
Par ailleurs, il y a aussi le phénomène du retour au rétro dans les jeux vidéos, pour diverses raisons dont certaines évoquées dans l’article (difficulté entre autres). Je pense à Minecraft, World of Goo, Portal !
Encore bravo.