Cette semaine la revue de presse est particulièrement chargée. Je vais vous parler de smartphone pas cher, d’IA en politique, de publicités digitales, de jeux vidéo et de Boycott.
Les brèves dont on ne parlera (presque) pas :
Sorti le 18 février sur le territoire indien, l’entreprise indienne Ringing Bells propose un smartphone d’entrée de gamme pour la modique somme de 4 dollars. Le Freedom 251 est donc le smartphone le moins cher du monde et il connaît déjà un succès tel qu’il était en rupture de stock quelques heures à peine après son lancement national. Que se cache-t-il derrière ce smartphone aussi bon marché ?
Les (rares) possesseurs indiens ont entre les mains un processeur quad-core 1,3 GHz couplé à 1 Go de mémoire vive, un écran IPS 4 pouces dans une définition 540 x 960 pixels, une gestion dual-SIM, un support 3G, des capteurs photo 0,3 Mégapixels à l’avant et 3,2 Mp à l’arrière. Rajouté à cela une mémoire interne de 8 Go extensible de 32 Go par MicroSD, une batterie 1 450 mAh et un système Android 5.1 Lollipop.
Ringing Bells précise que ce projet a vu le jour grâce au soutien appuyé du gouvernement indien. Comprenez pas là que les subventions ont été particulièrement importantes. Cette politique de subvention est largement dénoncée par l’Indian Cellular Association car elle risque de casser le marché en favorisant une seule entreprise au détriment d’autres. En Europe cette politique est interdite mais en Inde le choix d’aider les “infant industries” n’est pas rare. Une stratégie qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle du smartphone chinois. Ce téléphone subventionné permet ainsi à Ringing Bells de se faire connaître largement sur le territoire indien alors que des marques comme Samsung ou Lenovo sont déjà sur la brèche.
L’argument officiel du gouvernement est de permettre à un maximum de citoyens d’obtenir un portable pouvant se connecter à Internet. C’est évidemment bien plus louable et correspondrait aux arguments de l’économiste Coimbatore Krishnao Prahalad comme expliqués dans cet article. Évidemment, il faudra aussi développer les infrastructures 3 et 4G pour que les mobinautes puissent se connecter, ce qui risque d’être très long, surtout si les projets d’Internet low cost comme celui de Facebook sont refusés.
Les élections américaines approchent. Les candidats encore en lice proposent déjà leur propre site Internet et on retrouve même celui de Frank Underwood de House of Cards !
Pourtant, ce n’est pas un candidat humain qui m’intéresse dans cet article, mais bien en candidat fait de bits et de data. Ce faux candidat n’est autre que Watson, le super ordinateurmade in IBM, aussi connu pour avoir remporté haut la main une partie du jeu télévisé Jeopardy contre des adversaires humains.
Le site de la campagne Watson 2016 liste un certain nombre d’arguments qui viennent appuyer assez intelligemment la campagne de l’IA :
Plus Watson intègre d’informations, plus ses capacités de prise de décisionsont efficaces. Il est capable d’analyser des informations venant de n’importe quelle source, il peut donc prendre en compte différentes perspectives et opinions sur tous les sujets. […] C’est une tâche que doivent effectuer quotidiennement les politiques, y compris le président, et qui pourrait être effectuée de façon plus appropriée et efficace par une intelligence artificielle.
Analyser une situation qui pourrait avoir une multitudes de conséquences à moyen voire à long terme, le tout en gardant la tête froide. Qui de mieux en effet qu’un robot pour ce genre de tâche ?
La direction de la campagne ne vient pas d’IBM mais de l’artiste et designer Aaron Siegel, professeur de design à l’université de Californie du Sud. Le but de l’initiative est de dénoncer le pouvoir de l’argent et des lobbies dans les campagnes électorales de son pays. En effet, selon lui, chaque candidat doit répondre puis agir en fonction de ses soutiens… financiers. Cela ne permet pas de développer une réponse objective alors qu’une Intelligence Artificielle, loin de toute notion de corruption pensera toujours au bien du plus grand nombre.
Une IA pour chasser les idéologies ? Le projet a au moins le mérite de faire réfléchir sur la (future) place de l’Intelligence Artificielle dans notre société. Il est clair cependant qu’à terme, les IA pourront fournir une aide précieuse aux décideurs politiques en calculant les risques et les retombées possibles d’une décision pensée comme bonne à court terme. De là à imaginer un chef de l’Etat robot, il n’y a qu’un pas comme on dit.
Petite révolution pour les utilisateurs d’AdWords, le système d’annonces publicitaires de Google. La firme annonce qu’elle compte supprimer les liens payants à droite de la SERP (Search Engine Resume Page) mais va ajouter un lien en haut de la page.
Les raisons de ce changement sont multiples. Déjà, Google veut utiliser la droite de l’écran pour son outil de Knowledge Graph. Seules les listings de produits (PLA) qui référencent les prix des boutiques Google Shopping conserveront l’affichage classique.
Ensuite c’est pour homogénéiser la page de résultat selon le support utilisé. Actuellement, alors qu’un écran d’ordinateur peut afficher 11 liens publicitaires, sur smartphone ou tablette ce chiffre passe à 3 (et bientôt 4 donc), c’est-à-dire que seules les annonces du haut, dites premium, demeurent.
Enfin, on peut aussi imaginer que l’arrêt des liens de droite s’explique par le faible taux de clics qu’ils génèrent.
Selon ce graphique du site Heat map, les annonces sont présentes pour ⅓ en haut et ⅔ à droite de l’écran. Cependant, concernant le taux de clic, le résultat est de respectivement 87% contre 13%. Face à ce constat l’idée de développer les résultats du haut au détriment de la droite prend tout son sens. Sachant que la grande majorité du chiffre d’affaires de Google provient de ces liens sponsorisés, ce changement va avoir pour conséquence directe d’augmenter la concurrence entre les annonceurs pour avoir la chance d’être présent. De fait, les prix risquent fortement d’augmenter eux-aussi, pour le plus grand bonheur des finances de la firme de Mountain View. Après, il est clair que vu les résultats étant présent à droite de l’écran, AdWords pourra au moins avoir le mérite d’annoncer que ses annonces sont toujours un succès en termes de clics.
Petite ironie de l’histoire néanmoins. En 2012 Google annonçait que ses algorithmes de recherches allaient être de plus en plus sévères vis-à-vis des sites dont le Header (le haut de la page) est bourré de contenus publicitaires. Autant vous dire qu’avec 4 annonces AdWords avant d’atteindre des résultats naturels, le communiqué de cette semaine contient comme une légère pointe de foutage de gueule.
Le site l’Usine digitale réalisait le 16 février une interview de Albert Asseraf, directeur de la stratégie, du marketing et des études de JCDecaux. Selon lui le digital est un profond facteur de changement dans le secteur de l’affichage et du mobilier urbain. En effet, grâce à l’exploitation des big data il sera possible pour l’entreprise de proposer du contenu publicitaire de plus en plus ciblé.
Les nouvelles technologies transforment aussi le mobilier urbain. Déjà, les écrans digitaux tendent à remplacer la majorité des panneaux. La raison principale est que l’attention est plus forte sur une publicité animée que sur de “simples” affiches fixes. Au Royaume-Uni, la moitié de leurs revenus vient de ces nouveaux supports. Pour aller encore plus loin dans l’interactivité, des écrans tactiles devraient aussi se développer dans l’hexagone.
L’entreprise va aussi proposer sous peu du Wi-Fi gratuit sur les Champs Elysées en échange de contenus publicitaires. Concrètement, grâce à leur géolocalisation JCDecaux pourra envoyer un message à une personne à proximité d’un magasin pour qu’il s’y rende, c’est ce qu’on appelle le “drive to store”.
Last but not least, l’entreprise compte utiliser les data qu’elle récoltent ou qu’elle achète pourdévelopper des messages au bon endroit, au bon moment. L’exemple d’Albert Asseraf est édifiant :
Imaginez que dans un magasin, on découvre que le lundi matin entre 9 heures et 11 heures on vend davantage de pain de mie, on aura intérêt alors à mettre en avant à cette heure dans cette boutique une promotion sur ce produit.
En clair, ce que JCDecaux entend développer grâce aux Big Data ce sont des publicités ultra-personnalisées tant au niveau de l’horaire que des personnes sur place. Ironiquement on se rapproche plus vite qu’on ne le pense de la société dystopique présentée dans le Minority Report de Steven Spielbierg il y a déjà 14 ans !
On parlait la semaine dernière des chiffres médiocres de la firme dans l’hexagone. Ubisoft présentait cette semaine à ses actionnaires ses perspectives sur les 3 prochaines années.
S’il fallait retenir une seule chose c’est qu’Yves Guillemot, le fondateur actuel PDG de la boite, n’entend pas laisser les manettes à Vincent Bolloré. Pour rappel, Vincent Bolloré détient Vivendi et donc par la même occasion Universal Music et Canal+ notamment. Il détenait aussi il y encore quelques années le groupe Activision-Blizzard, le premier éditeur mondial de jeux vidéo. Apparemment l’univers vidéo-ludique (et surtout ses revenus possibles) manque à Vincent Bolloré et après le lancement d’une OPA sur Gameloft (le groupe du frère d’Yves Guillemot), Ubisoft doit absolument prouver qu’elle est énergique et ambitieuse si elle ne veut pas être dévorée par l’ogre Vivendi.
Ambitieux déjà dans le chiffre d’affaires de l’année avec un dernier trimestre presque aussi important que les 3 autres réunis. Il faut dire qu’Ubisoft joue gros d’ici mars avec les sorties de Far Cry Primal et The Division, deux jeux AAA (comprenez jeux à très gros budget). Pour l’anecdote, The Division est réalisé par le studio suédois Massive Entertainment qu’Ubisoft avait racheté à Vivendi en 2007. Yves Guillemot entend par là souligner que le Groupe Bolloré n’est pas le meilleur choix si les actionnaires espèrent des décisions stratégiques pertinentes. Encore faudra-t-il que The Division soit un succès critique et commercial cependant.
Si les actionnaires peuvent se rassurer ce n’est clairement pas le cas des gamers. En effet, on retrouve une fois encore le problème d’un studio dont les ambitions sont bridées à cause de contraintes budgétaires et/ou calendaires. Ici, parce qu’il faut absolument sortir le jeu avant la fin de l’exercice fiscal certains bugs ne seront corriger qu’après coup. Surtout, on voit déjà s’opérer un énorme downgrade graphique. Il est triste qu’Ubisoft nous habitue de plus en plus à cette pratique de fausses promesses. Qui se souvient de Watchdog en 2012 et de son résultat en 2014 pourra en témoigner.
Surtout, c’est dans la stratégie même des jeux qu’Ubi veut se montrer ambitueux (ou plutôt dans l’air du temps ?) :
Concrètement, Ubisoft va sortir moins de jeux (c’est déjà le cas car 56 titres étaient lancés en 2009-2010 contre seulement 12 sur l’exercice en cours) et les faire durer plus longtemps. il s’agit donc d’entretenir l’engouement pour un titre grâce à des événements et de nombreux contenus bonus (payants hein faut pas déconner non plus). L’engouement passera aussi par le développement de jeux qui, à l’instar d’un Rainbow Six Siege, se destinent aux compétitions d’e-sport et donc aux streams sur Twitch notamment. Il s’agit donc de sortir des jeux conçus pour durer et qui se vendront non plus sur quelques semaines mais sur plusieurs mois.
Une chose est sûre finalement, les gamers peuvent légitimement craindre une perte profonde de prise de risque et d’originalité au profit de jeux étudiés pour plaire au plus grand nombre possible… Il s’agit là aussi d’une conséquence des Big Data qui fera l’objet d’un développement plus long lors d’une autre revue de presse.
Le crowdfunding de la semaine :
Retrouvez l’article dans une page dédiée à cette adresse.
Le terme de communication/marketing digital de la semaine :
Souvenez-vous, la semaine dernière, je vous parlai d’Application Programming Interface (API). Ces interfaces de programmation comme Facebook Connect permettent, pour mémoire, de proposer aux internautes des services de connexion par exemple, au sein d’une page web. Outils simples à installer pour un webmaster, ils facilitent aussi la vie de l’usager de la page en échange de quelques précieuses informations.
Cette semaine, je voudrais aller plus loin en vous montrant comment de nombreux sites utilisent les API. Ainsi, loin de simplement poser une API sur le site, ils cherchent à adapter les interfaces de programmation à leurs services. L’objectif est ainsi de proposer un service de meilleure qualité sans perdre de temps à développer chaque outil indépendamment. Prenons l’exemple du site Airbnb.
Comme vous pouvez le constater à droite de l’écran, on retrouve l’API Google Maps proposée gratuitement par le géant de Mountain View. A cela le site rajoute les résultats de notre recherche sous forme d’interface personnalisée, graphique et interactive.
Les utilisateurs ont donc un moyen de visualiser géographiquement les résultat de leurs recherches ils sont donc contents. Airbnb est aussi satisfait car, en utilisant l’API de Google il n’a pas perdu de temps et d’argent à développer son propre outil de cartographie.
Enfin, Google aussi s’y retrouve car l’utilisateur d’Airbnb est contraint d’utiliser le système de cartes de Google. Dès lors, à force de l’utiliser, Google Maps deviendra comme tant d’autres services de l’entreprise, un véritable incontournable. Comme je l’expliquais déjà avec le cas des claviers AZERTY, en intériorisant des pratiques sur plusieurs années, les internautes seront tout simplement habitués à utiliser Google Maps et préféreront toujours cet outil à celui des concurrents. C’était notamment le cas en 2012 quand Apple sortait sa propre application de cartographie par défaut (Plans) à la place de Google Maps. Autant dire que la réception fut plus que mouvementée. La vraie réussite serait pour Google de parvenir à ce que le nom de son service deviennent à l’instar de “scotch” par exemple, le nom commun utilisé par la majorité pour parler du service en général.
Revenons au sujet principal. Que se passerait-il désormais si on combinait plusieurs API entre eux afin de créer un tout nouvel outil ? Concrètement laissez-moi vous présenter le site Trendsmap :
En combinant les API de Google Maps et de Twitter, le site vous propose de voir les tendances du réseau social ET leur origine géographique. Il vous est donc possible de savoir ce qui se dit principalement au sein de chaque grande ville de France. En terme d’intelligence économique il est indéniable que Trendsmap est intéressant et même Google apprécie le potentiel.
En réalité, il existe des centaines d’autres combinaisons possibles. Elle sont d’ailleurs répertoriées en grande partie dans cet annuaire. Désormais, libre à vous de les consulter voire même d’en inventer d’autres !
C’est tout pour cette revue de presse du monde digital de la semaine. On se retrouve mardi prochain, d’ici là comme d’habitude restez connectés !