Alors que les débats parlementaires sur la loi numérique portée par Axelle Lemaire vont bon train (j’en parlais déjà le semaine dernière), on pouvait apprendre mi janvier que Fleur Pellerin, la ministre de la culture et de la communication, voulait améliorer notre bon vieux clavier AZERTY. J’apprenais d’ailleurs l’existence de l’Afnor (l’Association française de Normalisation) qui est chargée par le ministère de la rue de Valois de travailler sur un clavier AZERTY plus adapté aux spécificités de notre langue. En effet, qui sait comment écrire “É” sur son clavier ? Je vous laisse chercher si vous ne connaissez pas. Pour les autres, il faut avouer qu’on a déjà vu plus ergonomique comme manière d’écrire. A ce sujet la Délégation générale à la Langue Française écrivait d’ailleurs :
Ces limitations matérielles ont même conduit certains de nos concitoyens à penser que l’on ne devait pas accentuer les majuscules, confortés, même, par certains services de l’État qui jusqu’à encore récemment renseignaient les bases administratives françaises en majuscules et sans aucun accent.
Quelques remarques sont à faire à propos de cette nouvelle (sans même parler du fait qu’il y ait bien plus urgent à régler en France que le problème de nos claviers…) :
Cet article peut être compris plus globalement par le concept de “path dependance” de Paul Pierson dans son ouvrage Dismantling the wellfare state paru en 1994. Rapporté au monde informatique cela permet de comprendre pourquoi certains choix “anciens” – comme la disposition des touches du clavier – s’intériorisent peu à peu pour devenir pratiquement indépassables. Si on prend l’exemple du clavier QWERTY, son adoption aux USA est liée à des raisons contingentes et notamment à l’enchevêtrement des barres de frappes. Pour éviter ce problème on a disposé les lettres d’une manière particulière : celle du QWERTY. Mais ce n’est pas une disposition naturelle. Des progrès techniques ont permis de résoudre le problème des barres de frappes. C’est pourtant la modélisation du clavier initial qui va s’imposer comme la norme standard de tous les claviers. On a eu un processus d’auto-renforcement dans la mesure où toutes les institutions se sont basées sur ce clavier QWERTY. Ce qui au départ était une disposition purement technique est devenu une disposition imprimée d’un point de vue social. L’intérêt du concept de path dependance est donc de montrer le caractère irréversible de l’investissement initial. Cela marcherait aussi bien pour les normes électriques dans le monde.
Nous n’avons donc pas la meilleure disposition possible du clavier mais comme pour beaucoup de normes ou de lois en France, nous allons connaitre des évolutions à la marge aussi coûteuses qu’inefficaces car le changement radical n’est même pas imaginable.
Cet article était disponible au sein de la revue de presse du 18 au 23 janvier 2016.
Retrolien : Revue de presse du monde digital (du 15 au 20 Février 2016) - Toile de Fond
Retrolien : Revue de presse du monde digital (du 15 au 20 Février 2016) - Toile de Fond
Retrolien : Revue de presse du monde digital (du 29 fev au 05 mars 2016) - Toile de Fond
Retrolien : Revue de presse du monde digital (du 18 au 23 janvier) - Toile de Fond