Labellisée écosystème thématique. La métropole stéphanoise est le premier pôle français de design et dispose de nombreux atouts : 1er réseau de PME de Province, 1er territoire français pour le ultra-haut débit, des Grandes Écoles dont la très réputée École des Mines, et la proximité avec les villes de Lyon et Grenoble (également labellisées French Tech). La ville dispose également du cluster Numelink, reconnu d’excellence au niveau européen, et du quartier de la Manufacture, premier quartier d’expérimentation numérique de France.
Il est en effet rassurant de voir que le Gouvernement est aujourd’hui pleinement investi dans le développement du numérique en France, que ce soit via la Bpi ou la French Tech, mais aussi dans la transition numérique de tous les services publics. Certes, on pourrait toujours râler (nous sommes Français après tout) en se disant qu’il aurait dû le faire il y a des déjà plusieurs années, mais il faut reconnaître que les mesures susmentionnées ont très rapidement prouvé leur utilité et leur efficacité, un comble pour une initiative publique. Par ailleurs, malgré ses quelques mauvais classements internationaux dans le digital, la France garde sa première place européenne pour ce qui est de l’e-administration.
Les licornes et le bébé géant
Que se cache-t-il derrière ce titre digne d’un conte fantastique ? Une bien triste réalité en fait… En effet, dans le jargon économique, une licorne est une startup à forte croissance et dont la valorisation atteint 1 milliard de dollars. Alors que le Royaume-Uni en compte 17 et la Suède 5 (inutile de se mesurer aux États-Unis et à la Chine qui en comptent chacun plusieurs dizaines), la France n’en compte que… 3 : Bla Bla Car, vente-privee.com et Critéo. Une bien piètre performance que l’on pourrait relativiser non sans une teinte de mauvaise foi, en rappelant que de nombreux analystes économiques nous alarment quant au risque d’éclatement d’une bulle spéculative des licornes. En effet, de peur de louper le prochain Facebook ou Snapchat, nombre d’investisseurs s’engagent massivement dans des startups, faisant ainsi grimper artificiellement leur valeur. Or, la valeur réelle de ces startups n’atteindra peut-être jamais le milliard, la notion de valorisation étant généralement assez abstraite et purement spéculative pour des entreprises qui en sont souvent encore à leur « early stage ». Autre élément de consolation, on estime que 4 nouvelles entreprises françaises pourraient décrocher leur statut de licorne au cours de l’année 2016 : Actility, Cedexis, Synthesio, et Sigfox, dont nous allons parler un peu plus longuement.
Aussi médiatique que performante et attractive, Sigfox se pose comme le leader d’un marché extrêmement porteur. Elle devrait très prochainement intégrer le cercle très prisé, et très privé, des licornes.
En effet, la France héberge un véritable potentiel géant de l’économie numérique : la startup toulousaine Sigfox, leader mondial de la télécommunication des objets connectés (ou Internet of Things ; IoT), dont la croissance est exponentielle et implanté dans des villes comme San Fransisco, New York ou encore Séoul. Proche de lever plus de 300 millions d’euros, et alors qu’Anne Lauvergon, le fonds d’investissement d’Intel et un bon nombre de mastodontes des télécoms sont rentrés très tôt dans son capital, Sigfox est parvenue à faire émerger son propre écosystème dans le domaine des objets connectés : l’IoT Valley. C’est une première pour une institution privée en France, qui témoigne d’un potentiel énorme, lequel pousse déjà son fondateur, à ambitionner de rajouter un S à l’acronyme GAFA, pour Google, Apple, Facebook, Amazon et… Sigfox.
Un changement de mentalités comme réponse universelle à la vie, l’univers et tout le reste ?
Et si le développement du numérique en France était finalement une affaire de mentalités ? Il n’est pas rare de considérer la France comme étant globalement averse au progrès ; dans un pays où chaque changement structurel fait l’objet d’une grève générale et où la menace qu’Internet et ses sbires en viennent à occir nos belles campagnes fait frémir de terreur la population.
Bien sûr, c’est une caricature, mais force est de constater que la situation de la France est tristement paradoxale : notre pays regorge de talents mais reste à la traîne dans un secteur qui pourrait redorer son économie déclinante. De même, il persiste une tendance générale à penser que c’est à l’État de guider le progrès technologique, comme il l’a fait pendant les Trente Glorieuses, alors même que le modèle français de l’État Providence arrive aujourd’hui à bout de souffle. Enfin, notre Gouvernement (quel que soit son bord) s’échine à sauver des industries trop vieilles et laminées par la concurrence (voire le dumping) des pays émergents, quand il serait temps de prendre enfin la voie du numérique pour trouver un relais de croissance pérenne. Ainsi, selon les conclusions du Boston Consulting Group en 2014, la France n’est que la vingtième puissance numérique mondiale, avec une croissance de son environnement numérique tout juste dans la moyenne. Pourtant, elle est la sixième puissance en termes de PIB (Produit Intérieur Brut) : il va falloir s’adapter si on veut maintenir notre statut ! La conséquence déplorable à tout cela, c’est que les talents Français s’exilent, et qu’ils créent leurs startups (et les emplois associés) à l’étranger : les Français sont la première communauté européenne dans la Silicon Valley, devant les Anglais, qui n’ont pourtant pas la barrière de la langue…
Jean-Marc Daniel, économiste français, a abordé cette problématique (notamment dans Valls, Macron : le socialisme de l’excellence à la française) et sa réponse a un double intérêt : elle est pragmatique et optimiste. D’abord, il fait effectivement le constat que c’est aujourd’hui aux citoyens d’être acteurs du changement et d’impulser une nouvelle dynamique au pays, puisque l’État n’est plus en mesure de le faire. Ensuite, il stipule que la crise économique a eu pour avantage de réveiller nos consciences à ce sujet, et que de plus en plus de Français sont aujourd’hui intéressés par l’entrepreneuriat, alors que cet état d’esprit était beaucoup moins patent, notamment chez les jeunes, avant 2008. Emmanuel Macron de son côté, estime que ce changement d’état d’esprit est en marche, et que le succès entrepreneurial en France est passé du statut de “suspect” à “enviable.”
C’est dans ce cadre que s’inscrivent de nombreuses initiatives salutaires qui rassemblent aujourd’hui de plus en plus de monde. On retrouve dans ce cas la French Tech et la Bpi dont nous avons déjà parlé, mais aussi des initiatives privées comme le développement dans plusieurs villes de startup weekends et autres startin’ events, d’espaces numériques collaboratifs (comme Numa à Paris ou les “Cantines Numériques“). Ceux-ci favorisent l’émergence de projets de startups et la mise en relation d’individus passionnés. En parallèle, les entrepreneurs à succès souhaitent eux-mêmes participer à cette éclosion du numérique français. Alors que les géants du numérique que sont Google, Facebook ou Microsoft ont récemment annoncé des vagues d’investissements en France, les petits Frenchies du web comme Xavier Niel ou Marc Simoncini ont importé chez nous la culture du Business Angel et de l’entrepreneur philanthrope, en mettant à contribution leur fortune personnelle dans l’aide au financement de jeunes startups prometteuses. Xavier Niel est même allé encore plus loin avec son École 42, qui permet de donner ses chances dans le numérique à chacun.
En effet, la question de l’Éducation apparaît comme primordiale, et le développement du numérique doit s’inscrire dans une tendance de fond pour transformer ces mentalités. Jean-Marc Baticle, président de CGI France, parle de fait de la nécessité d’instaurer un nouveau paradigme éducatif, dans la mesure où la Révolution Numérique est elle-même annonciatrice d’un nouveau paradigme socio-économique. Les Grandes Écoles d’ingénieurs et de commerce sont une spécificité française que nous envient beaucoup de pays étrangers, mais elles ne proposent pas encore assez de formations tournées vers le numérique, là où chaque Business School américaine propose par exemple des spécialisations dédiées. Un constat déplorable, surtout quand on sait que l’un des principaux obstacles à la digitalisation des entreprises en France est leur difficulté à trouver les talents nécessaires à leur mutation.
Aujourd’hui le débat sur le numérique n’est pas tant de savoir combien de foyers seront équipés en fibre optique ou quand la 5G arrivera en France, mais bien de savoir comment les nouvelles générations et les entreprises sauront appréhender et évoluer dans un monde où notre quotidien sera entièrement numérique.
Cocorico
Pour finir en beauté, voici quelques éléments plutôt encourageants sur le numérique français :
Tout d’abord, puisque l’on parlait d’éducation, il faut savoir que les MOOCS (Massive Open Online Courses) connaissent un fort succès en France avec plusieurs sites très populaires, et que la récente plateforme France Université Numérique rassemble déjà 400 000 étudiants. Ces cours en ligne ont l’avantage d’être pour une bonne partie d’entre eux gratuits et accessibles à tous, et sont de plus en plus prisés par les recruteurs.
Sur le plan de la ville connectée, la France est plutôt bien lotie puisqu’elle est le premier pays par le nombre de bornes Wi-Fi publiques. En 2014, il y avait ainsi plus de 13 millions de bornes de ce type en activité, contre environ 9,5 millions aux Etats-Unis. Ce parc devrait par ailleurs s’accroître de 80% à horizon 2018.
Nouvel acteur majeur du financement des startups en France, la Bpi délivre des chiffres plutôt encourageants sur le statut du Numérique dans le pays.
D’une manière générale, la connectivité du territoire français est relativement bonne. Ainsi, en 2013, 68% des opérateurs français proposaient un service de 4G contre une moyenne de 59% à l’échelle européenne. La France se classe également à la troisième position mondiale pour ce qui est du déploiement du nouveau protocole Internet IPv6.
Bien que résultant à approfondir, la transition digitale des entreprises françaises semble également être plutôt bien acquise, puisque 3 entreprises sur 5 utilisent aujourd’hui des techniques liées au Big Data. C’est à peine mieux que l’Allemagne mais beaucoup mieux que le Royaume-Uni, où le tissu de startups est pourtant beaucoup plus étoffé.
Même constat pour le gouvernement, puisque la France se classe première européenne et quatrième mondiale pour ce qui est de l’e-gouvernement ; à savoir notamment le développement des services publics en ligne ainsi que le réseau d’infrastructures de communication.
Conclusion
Le Numérique en France est plus qu’un secteur, c’est une opportunité. L’opportunité d’un renouveau économique qui doit passer par une certaine évolution, à plusieurs niveaux. La France dispose d’un énorme potentiel dans le domaine du numérique, mais celui-ci est encore latent à bien des égards. Des mesures idoines ont déjà été prises pour l’exploiter, au niveau du public comme du privé, mais c’est une véritable dynamique sociétale qu’il reste encore à impulser. Pour donner un appui final à ces propos, laissons la parole à Frédéric Mazella, fondateur de Bla Bla Car (dans une interview au Figaro Magazine) : « La France a donné naissance à des sociétés remarquables. […]. Maintenant, il faut que nous apprenions à le faire dans le digital. Nous disposons d’un écosystème désormais favorable au développement des startups. Pour aller encore plus loin, il faudrait un signal fort, au niveau de la réglementation. »
Quelques liens utiles :
http://www.entreprises.gouv.fr/observatoire-du-numerique
http://www.strategie.gouv.fr/travaux/developpement-durable-technologies/numerique
http://www.franceangels.org
https://fr.coursera.org
https://openclassrooms.com/dashboard
http://www.meleenumerique.com/
Retrolien : La France et le Numérique – Victor Droin Blog Personnel
Serge
31 mars 2016 at 13 h 59 min
super article 🙂 par contre, une “licorne” c’est une start-up valorisée un milliard ou plus, mais cette valorisation est issue d’investissement privés (avant introduction en bourse)
Pour les “licornes”, on ne parle donc pas de valorisation boursière, juste de valorisation
Victor Droin
31 mars 2016 at 14 h 14 min
Effectivement, très bonne remarque ! Merci pour le commentaire 🙂